Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 15.djvu/223

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

1682 ne sont plus professées dans les séminaires, et il est hors de doute qu’aux termes des articles organiques l’état aurait le droit d’exiger qu’on les y professât ; mais, comme le disait un illustre jurisconsulte, le propre de la raison est de découvrir les principes et le propre du bon sens est de ne jamais les isoler des convenances. Depuis le concile du Vatican, l’infaillibilité personnelle du pape est devenue un dogme, et les évêques de France ne sauraient, sans encourir le reproche d’hérésie, enseigner encore que les conciles généraux sont supérieurs au pape dans le spirituel, que les dédiions du saint-siège en matière de foi ne sont sûres qu’après que l’église les a acceptées. Exigerez-vous des évêques qu’ils fassent ouvertement profession d’hérésie ? Ils n’y consentiront jamais. — Qui êtes-vous donc, vous diront-ils, pour prétendre nous prescrire ce que nous devons croire ? — Vous leur répondrez peut-être que vous représentez la raison ; mais la raison a-t-elle rien à voir dans un mystère de théologie ? Êtes-vous bien sûrs qu’il soit plus raisonnable de croire à l’infaillibilité d’un concile qu’à celle d’un pape ? Et au surplus où en serions-nous si vous vouliez supprimer de ce monde la liberté de déraisonner ? Peut-être alléguerez-vous les droits de l’état. Le droit de l’état dans le temps où nous vivons est de rester neutre entre les cultes et de les protéger tous en protégeant contre eux la paix publique. En 1869, M. de Bismarck, qui s’est ravisé depuis pour son malheur, écrivait à M. d’Arnim que « la politique prussienne en matière ecclésiastique avait pour règle d’assurer aux églises une pleine liberté dans les questions de doctrine et de culte et de s’opposer résolument à tout empiétement qu’elles pourraient faire sur le domaine de l’état. » Non, il n’est pas de la compétence d’un gouvernement de définir ce qu’il est nécessaire de croire pour être un bon catholique. Il ne lui appartient pas de prendre parti dans les controverses qui agitent l’église, il ne lui appartient pas même d’avoir une opinion en théologie. Un gouvernement qui dogmatise est ridicule, un gouvernement qui emploie la rigueur pour imposer ses doctrines est odieux. Puisse la commission chargée de faire une enquête sur l’élection de Pontivy laisser dormir en paix les principes gallicans et la déclaration de 1682 ! Une fée fit jadis sortir d’une noisette un carrosse à quatre chevaux, un cocher et deux laquais poudrés ; les assistans éperdus s’écriaient : — Qui aurait pu croire qu’il y eût tant de choses dans une noisette ! — On ne saurait croire non plus combien il peut y avoir de choses dans une simple question adressée par une commission à un ministre, et combien de calamités et de funestes complications peut engendrer une curiosité théologique.

M. de Bismarck disait un jour à la chambre des seigneurs de Prusse que la lutte entre l’état et l’église date de loin, qu’elle a commencé à Aulis le jour où Agamemnon eut maille à partir avec ses devins et se vit contraint de leur sacrifier sa fille. « Dès les premiers temps de l’histoire, ajoutait-il, il y a eu des gens, prêtres ou sages, qui affichaient la