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autres contrées houillères de l’Europe n’en ont pas pour plus longtemps. Les États-Unis de l’Amérique du Nord et la Chine, mieux partagés, ont peut-être pour un millier d’années de réserve houillère, et c’est tout. Après, à qui faudra-t-il s’adresser ? Au soleil.

J’entends quelques-uns répondre : « Vous aurez l’électricité. » L’électricité coûte trop cher comme agent mécanique. Il faut, avec les piles électriques, brûler en quelque sorte du cuivre, du zinc, consommer des acides. Or 1 kilogramme de cuivre, de zinc, d’acides, représentent chacun dans leur prix de revient et avant tout plusieurs kilogrammes de houille qu’il a fallu dépenser pour les obtenir. Dans la méthode de fabrication du cuivre usitée dans le pays de Galles, on brûle jusqu’à 16 kilogrammes de charbon par kilogramme de cuivre obtenu. C’est donc tourner dans un cercle vicieux que de supposer que les machines électriques ou électro-magnétiques pourront remplacer utilement, économiquement, les machines à vapeur. Il n’est qu’un cas où il est permis d’être ébranlé, c’est celui où, avec une pile thermo-électrique, on arriverait à décomposer presque sans dépense l’eau en ses deux élémens, l’oxygène et l’hydrogène, l’eau si abondamment répandue à la surface du globe qu’on la trouve partout. Alors le problème serait résolu, puisqu’on aurait mis à la disposition de tous et presque pour rien les deux plus grandes sources de lumière, de chaleur et de force, l’oxygène et l’hydrogène ; mais, dans ce cas, qui aurait permis encore cette solution si inattendue de la question ? Le soleil, puisque ce n’est qu’avec une pile thermo-électrique, où nous supposons que l’électricité serait produite par la chaleur solaire, qu’on pourrait utilement décomposer l’oxygène et l’hydrogène, sinon il en coûterait au moins autant de chaleur pour les désassocier qu’ils en donneraient en se recombinant : nouvelle pétition de principe que ne voient pas les inventeurs naïfs qui s’obstinent à poursuivre avec des piles ordinaires la solution du grand problème des machines motrices économiques et du combustible de l’avenir.

Quant à emmagasiner directement là chaleur solaire au moyen de corps bons conducteurs ou absorbans, isolés ensuite, par exemple au moyen de pierres noires poreuses, exposées au soleil et jetées de là dans un grand réservoir, comme on empile la neige dans les glacières, il n’y a rien d’impossible à cela. On jetterait ces pierres dans l’eau, quand il en serait besoin, et l’on atteindrait et dépasserait aisément ainsi la température de l’eau bouillante. Les Indiens de Californie font bouillir de la sorte l’eau dans des paniers en osier si finement tressés qu’aucune goutte de liquide ne s’échappe, et pour cela ils jettent dans l’eau une à une des pierres rougies au feu.