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Mouchot d’installer à Tours depuis trois ans et demi. Il a fourni des résultats curieux, dont quelques-uns méritent d’être consignés ici et seront bientôt dépassés dans une meilleure disposition de l’appareil. Le 8 mai 1875, par un beau temps, 20 litres d’eau à 20 degrés, introduits dans la chaudière à huit heures et demie du matin, n’ont mis que quarante minutes pour produire de la vapeur à 2 atmosphères de pression, c’est-à-dire à la température de 121 degrés, ou 21 degrés au-dessus de l’eau bouillante. Cette vapeur s’est ensuite élevée rapidement à la pression de 5 atmosphères, et si l’on n’a pas essayé de franchir cette limite, malgré la régularité de chauffe, c’est que les parois de la chaudière n’ont que 3 millimètres d’épaisseur, et que l’effort total supporté par ces parois était alors de 40,000 kilogrammes. On ne pouvait sans danger aller plus loin, tout l’appareil eût volé en éclats. Vers le milieu du même jour, avec 15 litres d’eau dans la chaudière, la vapeur à 100 degrés, c’est-à-dire à la pression d’une atmosphère, s’élevait en moins d’un quart d’heure à la pression de 5 atmosphères, soit à la température de 153 degrés, Enfin le 22 juillet, vers une heure de l’après-midi, par une chaleur exceptionnelle, l’appareil a vaporisé 6 litres d’eau par heure, ce qui répond à un débit de vapeur de 140 litres par minute et à la force d’environ un demi-cheval[1].

Toute machine à vapeur se compose de deux parties essentielles, la chaudière et le moteur. On conçoit qu’avec la chaudière de Tours on peut employer le moteur habituel des générateurs ordinaires, et c’est là un avantage des chaudières à vapeur chauffées au soleil, de ne pas exiger un moteur spécial. L’inventeur a d’abord fait usage pour ses démonstrations d’une machine à double effet, sans condensation ni détente de vapeur, dont le cylindre, fixe, cubait un tiers de litre. Cette machine battait par un beau temps 80 coups à la minute, sous la pression constante d’une atmosphère de vapeur ; elle marchait encore par un soleil légèrement voilé. Plus tard, elle a été remplacée par une machine rotative, c’est-à-dire à cylindre tournant, ce qui évite toute transmission de mouvement, mais est après tout un système vicieux. Celle-ci fonctionnait cependant à merveille et faisait marcher à grande vitesse une petite pompe à élever l’eau, quand une fois la pompe s’est trouvée trop faible et

  1. Un fabricant d’instrumens de précision, M. J. Salleron, qui a précisément construit l’appareil solaire qui a été présenté l’an dernier à l’Institut, nous écrivait récemment : « J’ai fait fonctionner un petit modèle de machine à vapeur avec la vapeur engendrée dans la chaudière de ce nouveau générateur, et M. Nouel, professeur de physique au lycée de Vendôme, l’a fait entre autres fois fonctionner le 5 janvier dernier. L’eau y est entrée en ébullition au soleil en 28 minutes, à l’heure de midi et par une température de l’air ambiant voisine de zéro. »