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déterminé. Grâce à Melloni, on connaissait la quantité de calorique que différens corps réduits en lames minces, tels que le verre, laissent passer, et la variation des pouvoirs réflecteurs des surfaces métalliques polies suivant la nature des métaux. Mesurer les trésors de force vive que le soleil envoie chaque jour à la terre, et, ce qui paraîtra encore une utopie à tant de personnes, concentrer à peu de frais les rayons du soleil pour leur faire produire tous les effets dont ils sont capables, était désormais un desideratum que l’on pouvait tenter de réaliser avec certitude, tandis que Buffon et Saussure n’avaient eu à leur disposition pour cela que des données insuffisantes ; aujourd’hui la question se réduit à un simple calcul, à une application de lois physiques désormais bien connues.

Pour arriver à concentrer utilement les rayons du soleil, il fallait un récepteur qui ne fût ni d’un volume ni d’un prix excessifs. Après quelques tâtonnemens, après le premier essai d’un appareil analogue à celui de Saussure, M. Mouchot imagine une chaudière verticale en cuivre, noircie extérieurement, recouverte de trois cloches de verre concentriques, et reposant sur un corps mauvais conducteur du calorique, tel que le sable, la brique, le bois[1]. Bientôt il augmente la puissance de son appareil par un réflecteur métallique, ce qui permet de ne plus faire usage que d’une cloche de verre, au lieu de trois. Il élève ainsi considérablement la température de l’eau contenue dans la chaudière, réduit cette eau en vapeur, fond du soufre, lequel n’entre en liquéfaction qu’à la température de 116 degrés, et, au bout de vingt minutes d’insolation, amène la chaudière vide à la température de 200 degrés.

Avec le réflecteur dont il s’agit, on a mis en quelques secondes le feu à un tas de copeaux, à une planche de bois. Dans un vase de verre placé au foyer du réflecteur et revêtu d’un couvercle également en verre, on a fondu 1 kilogramme d’étain en deux minutes ; la même quantité de plomb en a demandé cinq, et le zinc six. Le point de fusion de ces trois métaux est respectivement de 235, 335 et 475 degrés. Avec des miroirs sphériques ou paraboliques, dont le foyer est un point au lieu d’être une ligne comme dans les miroirs coniques ou cylindriques dont on a fait usage pour les expériences précitées, la concentration de la chaleur solaire eût été encore plus forte.

En même temps qu’il procède à ces nouveaux essais, l’ingénieux expérimentateur met en fonctionnement sa marmite solaire, un bocal de cristal dans lequel il introduit un vase cylindrique en cuivre

  1. La Chaleur solaire et ses applications industrielles, par A. Mouchot. Paris, Gauthier-Villars, 1869.