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contraste : pendant que son compagnon va presque nu dans ce vêtement qui moule exactement les formes, celui-ci disparaît au contraire sous le bourka, manteau de feutre chevelu surmonté d’un capuchon recouvrant le bock, le bonnet fourré des guerriers de son pays. Les cavaliers sont plus singuliers encore dans leur accoutrement ; les chevaux, maigres et nerveux, sont si petits de taille que la plupart des cavaliers, de très haute allure, semblent près de raser le sol, malgré leur façon de replier la jambe. L’étrier, large plateau à peine pourvu d’un léger rebord en ailes, est d’une dimension tout à fait insolite. Le harnachement des chevaux, leurs caparaçons, les accessoires paquetés au troussequin de la selle et à la palette, les mille objets bizarres, cartouchières, colliers, amulettes, poudrières, bourses, sabretaches de forme étrange, chaînes portant la mince hache d’armes, et autres instrumens divers qui pendent de tous côtés en rendant un bruit de ferraille, composent un ensemble d’un pittoresque achevé. Quelques-uns des cavaliers sont nègres ; ils se drapent comme les Arabes dans des étoffes blanches, laiteuses, qui forment de beaux plis nobles et harmonieux ; d’autres revêtent des pourpoints éclatans, à manches ouvertes, qui pendent jusqu’à l’étrier, et dont les couleurs vives, vert émeraude, rouge carmin, bleu sombre, ornées de soutaches d’or ou de soie tranchante d’un dessin compliqué, se détachent violemment sur la fustanelle blanche aux mille plis. L’armement est si varié que le service des munitions doit présenter une difficulté pratique considérable. Depuis l’espingarde marocaine jusqu’à la canardière et le remington, tous les systèmes sont représentés dans les mains de ces irréguliers ; chacun d’eux pourvoit à ses besoins et porte avec lui son approvisionnement, son moule à balles et son plomb, ce qui explique les nombreux paquets ficelés sur les chevaux de bât qui les suivent, ou même fixés de telle sorte à leur selle ou sur la croupe et le dos de l’animal, que le cavalier semble emboîté sur sa monture. À l’arrière-garde, des caisses rouges à fleurs peintes, semblables aux coffres de mariage des maisons arabes, représentent le bagage des officiers, porté par des ânes de petite taille de la même race que ceux du Caire.

Les quelques zaptiés qui font escorte ont une toute autre tenue ; ce sont aussi des irréguliers cependant, mais dans l’empire turc ils représentent la police de l’intérieur et font un service qui correspond à celui de nos gendarmes départementaux. Ils, comptent dans l’armée active et, en cas de guerre, forment seize régimens répandus sur toute l’étendue du territoire. Ces zaptiés se recrutent surtout parmi les Albanais, race guerrière d’une belle prestance et habile dans le maniement des armes ; ils sont volontaires, mais ils doivent avoir servi, et on les choisit avec soin parmi les hommes les plus endurcis, les plus forts, ceux qui ont donné des preuves