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Un cuirassé, l’Osage, fut également coulé. Dans l’intervalle de deux ans et quelques mois, sept monitors et onze navires de guerre en bois avaient été anéantis par les torpilles dites défensives, c’est-à-dire immergées et placées sur le passage de ces bâtimens. D’autres navires, au nombre desquels plusieurs cuirassés, avaient subi des avaries très graves.

Les confédérés ne s’étaient pas bornés à la guerre défensive, au moyen de torpilles dormantes dont le choc était dû au hasard. Ils avaient en outre employé contre les escadres du nord des torpilles offensives, c’est-à-dire celles qu’on lance contre un bâtiment ennemi ou que l’on va placer, en plongeant, sous sa quille. Les navires du sud étaient munis d’une espèce de bélier qui portait une torpille. De petites embarcations, construites spécialement pour porter des torpilles, avaient en tête un espars, forte perche longue de 20 à 30 pieds, qu’on manœuvrait au moyen de palans et qui, munie d’une torpille, était lancée contre les flancs d’un navire. Enfin des bateaux plongeurs étaient également envoyés contre les bâtimens mouillés en rade ou à l’entrée des fleuves. Ils pouvaient accomplir leur mission soit en attaquant un navire à la surface de l’eau, soit en passant sous la quille où devait éclater une torpille flottante, traînée à l’arrière du bateau. L’œuvre de destruction continua donc jusqu’à la fin de la guerre ; mais elle se retourna contre les confédérés. Le gouvernement des états du nord finit par employer contre eux la machine de guerre dont ils s’étaient servis les premiers. L’un des derniers incidens de cette guerre fut l’attaque du cuirassé Albemarle, appartenant aux états du sud. L’Albemarle, vainqueur dans plusieurs rencontres avec la flotte du nord, était devenu la terreur de la marine fédérale. À Washington, on avait résolu de s’en défaire et dans ce dessein une chaloupe à vapeur portant une torpille fut lancée contre le bâtiment condamné. Le commandement de cette machine infernale avait été donné au lieutenant Cushing, de la marine fédérale. L’Albemarle était ancré dans la rivière Roanoke, entouré de défenses flottantes qui n’arrêtèrent pas la course rapide de son dangereux ennemi. À la faveur de l’obscurité, celui-ci avait évité l’attention des grand’gardes ; mais il fut aperçu par les vigies de l’Albemarle, qui ouvrit sur lui un feu violent. Le courageux équipage du bateau-torpille ne se laissa pas déconcerter par la mort qui le décimait. Il lança, malgré les balles, la torpille contre la muraille du bâtiment. L’engin mortel s’y logea. C’en était fait. Le puissant navire était frappé au cœur. Il périt ; mais les assaillans ne furent pas témoins de leur victoire. Une énorme masse d’eau remplit la chaloupe et la désempara. Les hommes de l’équipage furent tués. Le lieutenant Cushing échappa pourtant à la mort. Caché dans les roseaux, à l’embouchure de la