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circonstances, des individus doués sous le rapport de l’intelligence et pourvus d’une excellente instruction, adressent par des mots une demande, des appels dont ils attendent un résultat prévu ; à une question, à un signe, ils donnent la réponse convenable. Il a paru naturel de supposer que les perroquets devaient le pouvoir de parler à la conformation spéciale de la langue ; on doute, en entendant les pies, les merles, les sansonnets. Ces oiseaux ont une langue mince, et ils n’éprouvent nulle peine à produire tous les sons articulés ; ce fait ajoute une force à l’idée d’une action du larynx supérieur. Un sansonnet remarquable par son talent de parole que nous eûmes l’occasion d’observer, connaissait très bien la valeur de plusieurs mots ; en bon français, il exprimait des désirs et les battemens d’ailes achevaient de les témoigner. La gracieuse bête aimait à se baigner, et souvent elle réclamait de l’eau ; en voyant prendre le carafon, elle criait : Viens vite, viens vite ! avec une énergie toujours croissante, si on la faisait attendre.

La plupart des petits oiseaux ont des cris d’appel, des cris de joie ou de frayeur, des cris de guerre ; toutes ces explosions de la voix empruntant les sons de voyelles et de consonnes montrent combien l’articulation est facile et naturelle chez ces créatures. Les espèces qui se distinguent par le chant ont l’appareil vocal très, compliqué ; mais cette simple constatation est insuffisante pour expliquer le jeu du gosier. Par l’ensemble des qualités de la voix, la puissance, l’éclat, la douceur, les rossignols surpassent tous les autres chanteurs des bois. Les notes se succèdent ou alternent gaies ou plaintives, toujours mélodieuses ; les roulades se renouvellent toujours charmantes. Les rossignols n’acquièrent le talent qu’après beaucoup d’exercice ; les jeunes sujets sont en général assez médiocres ; seuls, des individus favorisés par les dons de la nature élèvent l’art à sa plus haute expression. Chez tous les mignons oiseaux des bois, les mâles seuls possèdent une belle voix ; ils chantent pour captiver des compagnes qui ne peuvent entrer en lutte pour le talent. Silencieux pendant une grande partie de l’année, lorsque vient la saison des amours, l’activité nerveuse s’exalte, le sang afflue vers les organes de la voix ; pinsons, rossignols et fauvettes prennent ou retrouvent la faculté de chanter. Un peu plus tard nous reviendrons sur la voix des oiseaux, alors nous aurons obtenu de l’investigation scientifique : de nouvelles lumières.


EMILE BLANCHARD.