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variés à l’infini, avec lesquels chaque animal produit des modulations qui lui sont propres et peut contribuer au grand concert de la nature ! »

Les caractères anatomiques de l’appareil vocal sont aujourd’hui assez bien étudiés dans la plupart des types de mammifères. Le larynx de ces animaux est construit sur le même plan que celui de l’homme ; chez les singes, la ressemblance est extrême. L’impossibilité de la parole est due, selon beaucoup d’apparence, à la conformation de la cavité buccale, des lèvres, de la langue. Les études des naturalistes, qui n’ont pas encore été dirigées de ce côté, n’autorisent nulle affirmation ; néanmoins la faculté pour quelques espèces de prononcer une ou deux syllabes donne de la force à une présomption. Ce vestige de la parole n’indique-t-il pas la faible étendue d’un pouvoir dont la trace même disparaît chez le plus grand nombre des espèces ? En 1715, le grand Leibniz annonçait à notre académie l’existence en Misnie d’un chien qui parle : « un chien de paysan, d’une figure des plus communes, et de grandeur médiocre. » Cette bête extraordinaire, docile aux leçons d’un enfant, avait, dit le narrateur, appris une trentaine de mots ; elle consentait à les répéter lorsque le maître les prononçait. L’historien de l’Académie des sciences déclare qu’il n’aurait pas la hardiesse de rapporter un pareil fait « sans un garant tel que M. Leibniz, témoin oculaire. » Malgré si haute garantie, c’est une fable, une pure illusion ; du chien le plus admiré pour son intelligence, il faudra toujours dire : « Il ne lui manque que la parole. » Étonnans imitateurs, les singes, condamnés à vivre dans la société des hommes, renonceraient-ils à essayer d’une conversation sans l’obstacle de la nature ? » On supposera que l’intelligence ne les porte pas vers ce genre d’imitation ; peut-être, mais en même temps, on doit le croire d’après les coïncidences habituelles chez les êtres, les organes ne se prêtent pas non plus à l’articulation. Autrement les singes, que nous entendîmes un jour appeler les candidats à l’humanité, ne resteraient pas, sous un rapport, bien inférieurs aux perroquets.

À défaut de la voix articulée, une sorte de langage préférable à la pantomime dont se servent les voyageurs jetés au milieu des tribus de sauvages, se constitue à l’aide de divers artifices. Chose vraiment curieuse et pleine d’intérêt, avant d’avoir reçu aucune instruction particulière, de jeunes sourds-muets ayant la vie commune, inventent très vite des moyens de se comprendre, et ils assurent si fortement ces moyens qu’ils ne se trompent guère sur les sentimens et les désirs exprimés par des gesticulations, des attouchemens, des jeux de physionomie convenus. Les gens qui ont la