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À la représentation d’une grande œuvre lyrique, l’assistance fournit à l’observateur des sujets d’étude psychologique. Une partie de cette foule écoute presque avec indifférence ; elle est attachée, dominée par le spectacle ; le plaisir des yeux l’emporte, les perceptions auditives n’éveillent presque aucun sentiment. Des impressions d’une nature tout opposée se devinent aux attitudes du corps et au jeu des physionomies ; on reconnaît des amis passionnés de l’art, des gens qui le cultivent ou savent l’apprécier. Ils s’occupent bien des magnificences de la scène ! Séduits moins encore par le charme de la voix que par le talent qui se révèle sous divers aspects, ils prêtent une oreille attentive, et volontiers se fâchent en apercevant que le public n’a pas compris les finesses. Ainsi d’un côté, une sensibilité trop émoussée, de l’autre une trop grande activité de l’esprit, détournent l’effet ordinaire du chant sur l’organisme. Seule, la masse des spectateurs qui discerne vaguement les traits d’habileté de l’artiste s’abandonne à la jouissance des impressions, — plus ou moins vives, selon les individus ; — elle s’émeut à la voix qui donne des sensations douces ; aux accens de la passion, elle s’enivre. Certains vieillards, en parlant d’un chanteur ou d’une cantatrice qui florissait à une époque lointaine, témoignent par des tressaillemens combien les émotions que procure une voix animée d’un souffle de l’âme peuvent laisser des souvenirs durables.

La parole est de nécessité, le chant affaire de plaisir ; l’homme est bien servi par la voix.


IV

Lorsqu’on a considéré la voix humaine dans ses manifestations si variées, la voix des animaux semble misérable. L’aboiement du chien, le miaulement du chat, le bêlement de la brebis, ne sauraient en vérité servir à constituer un langage bien étendu. Ces cris de bêtes nous fatiguent ; mais il ne faut pas oublier qu’ils retentissent pour d’autres oreilles que les nôtres. Seul, le ramage des petits oiseaux a le don de nous plaire ; il a des ressemblances qui procurent de douces illusions, il paraît exprimer des sentimens de notre propre nature, alors on l’aime. Depuis longtemps on a compris l’intérêt d’une comparaison de l’appareil vocal des animaux avec celui de l’homme ; on a conçu l’espérance d’expliquer toutes les voix par la structure des organes. Vers la fin du siècle dernier, un savant, un lettré qui fait honneur à la France, Vicq d’Azyr, se mit à l’œuvre ; les larynx d’une multitude d’êtres ayant été rassemblés pour l’étude, il les regardait avec une sorte d’enthousiasme ; l’observateur en attendait une révélation. « C’est un beau spectacle, s’écrie Vicq d’Azyr, que de voir d’un coup d’œil la disposition de ces instrumens