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peu de l’organisme, beaucoup de la première éducation ? On est tenté de le croire. Jusqu’à présent très restreintes, les expériences et les observations n’ont pas encore fait luire la vérité scientifique.

Les mots se forment de la combinaison des voyelles et des consonnes ; la voix les exprime : c’est la parole, le langage que règle d’abord une convention, ensuite la grammaire. La prononciation résulte de l’émission des sons articulés ; elle se maintient d’ordinaire entre des limites de hauteur comprises dans l’étendue d’une demi-octave. En général, le son s’élève ou tombe un peu à la fin des phrases, donnant l’accent ou marquant soit l’affirmation, soit l’interrogation. Le plus souvent l’homme parle dans le registre inférieur, l’enfant et la femme dans le registre supérieur, mais il y a de nombreuses exceptions.

Si tout le monde use de la parole, ce n’est certes ni avec la même aisance, ni avec le même agrément. La voix est faible ou puissante ; la manière dont fonctionnent les organes respiratoires en décide. Le timbre est aigre, rude, doux, harmonieux ; la conformation des cavités de résonnance en est la cause. Bien ou mal partagé, chacun doit garder le timbre de voix qu’il tient de la nature. Il est possible cependant d’en améliorer les effets par une surveillance habituelle de l’oreille, par une observation soutenue, enfin par l’éducation. La parole ne coule pas de la source avec un égal bonheur ; l’esprit en est le maître, et beaucoup plus que les aptitudes physiques, les qualités de l’esprit diffèrent suivant les individus. Ceux-ci s’énoncent sans embarras, la pensée est ferme ; ceux-là semblent arracher les mots et les phrases, la pensée est vague, trouble, indécise. Que la personne ne sache se défendre d’une sorte de contrainte, elle bredouille, elle bégaie. Autrefois on supposait l’appareil vocal affecté de graves défauts chez les bègues ; il n’en est rien. L’infirmité vient d’un esprit qui chancelle ; elle peut être guérie ou atténuée par des efforts réglés. Une statistique nous apprit un jour que la Provence, le Languedoc, la Guyenne, sont du nombre des contrées de la France où le bégaiement est le moins rare[1]. Ce fut un étonnement, — on croit toujours qu’il suffit de naître au voisinage de la Garonne pour avoir la langue bien déliée[2].

Dans ce rôle immense d’établir tous les rapports entre les hommes, la voix suscite aisément des sympathies ou des antipathies ; c’est que, mieux encore que les paroles, elle semble révéler les véritables sentimens intérieurs. Nette, claire, limpide, la voix

  1. Statistique décennale du bégaiement en France, par Chervin aîné, Lyon 1866.
  2. La mémoire et la faculté de coordination des mots dépendent du cerveau. On sait, depuis les recherches de M. Broca, que ces facultés se perdent par suite d’une lésion de la troisième circonvolution frontale du côté gauche.