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Don Benito Perez Galdós est un des plus jeunes parmi les auteurs espagnols contemporains : ce n’est pas celui qui promet le moins. Né en 1845 dans la petite ville de Las Palmas, capitale des Canaries, il porte réunis, selon l’usage espagnol, les noms de famille de son père et de sa mère. Ses premières études achevées, il quitta son île natale et vint à Madrid pour se préparer au barreau ; il reçut en 1869 le titre de licencié en droit civil et canonique, mais sa vocation l’entraînait ailleurs. Déjà comme étudiant il s’était fait connaître par quelques travaux de critique musicale et littéraire ; la politique l’occupait aussi. Il fut un moment à la tête de la Revue d’Espagne, la seule publication de ce genre qui parût alors à Madrid ; plus tard il y écrivit à titre de rédacteur, quoique sans signature, une suite d’articles sur les affaires inférieures du pays qui furent très remarqués et où l’opinion publique s’obstina longtemps à reconnaître la main des personnages les plus haut placés.

Il appartient en politique au parti des conservateurs libéraux. Simple et modeste, désintéressé, d’un caractère calme et ferme à la fois, M. Ferez Galdós a su dès les débuts de sa carrière se gagner des amis et mériter même l’estime de ses adversaires. Il vit du reste assez à l’écart et sort peu de chez lui : c’est un travailleur. Ainsi. s’explique-t-on qu’à son âge il ait pu produire autant qu’il l’a fait et mener de front les études les plus différentes. De bonne heure il s’était essayé dans la nouvelle et le roman, en 1870, il fit paraître la Fontaine d’or, — c’est le nom que portait un club de Madrid, célèbre sous Ferdinand VII, — et, un peu après l’Audacieux, deux volumes détachés, l’un et l’autre fort bien accueillis. Le premier surtout, réimprimé à Leipzig dans le format d’une de ces éditions à bon marché qui font la spécialité des Allemands, et répandu par milliers d’exemplaires dans toute l’Amérique espagnole, valut à son auteur une véritable réputation. On y louait l’intérêt de l’intrigue, la vérité des caractères, la finesse des analyses et de l’observation. Comme la Fontaine d’or, l’Audacieux, « histoire d’un radical d’autrefois, » touche aux événemens accomplis en Espagne vers le commencement du siècle. La politique et l’histoire s’y mêlent dans une juste mesure aux détails de pure imagination. Encouragé par ces premiers succès, M. Perez Galdós aborda résolument le genre historique. En l’espace de deux années, dix volumes de lui, formant une série complète, ont successivement paru. Vendus au prix de quelques réaux et revêtus d’une couverture éclatante aux couleurs, nationales, rouge et jaune, ces livres semblaient surtout destinés au peuple ; mais, soit à cause de la sympathie qu’inspirait le nom de l’auteur, soit pour les qualités réelles et aussi bien les défauts de l’œuvre elle-même, ils trouvèrent partout des lecteurs et obtinrent de toutes les classes de la société une attention trop soutenue pour n’être pas quelque peu indulgente.

Il y a diverses choses à considérer dans l’œuvre de M. Perez Galdós