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vent. C’est une des grandes richesses de nos montagnes, mais à la condition qu’on n’y puise qu’avec ménagement, qu’on y laisse toujours en apparence un excès de matériel, car il n’est pas de forêts où, suivant une expression allemande, le superflu donne aussi facilement la main à la misère. Les sapinières ruinées, détruites entièrement, disparues à la suite d’exploitations abusives, ont laissé dans toutes nos montagnes des espaces nus, désolés, qui affligent la vue. Tel a été le sort d’un grand nombre de forêts de montagne aliénées par l’état de 1818 à 1869, pendant un demi-siècle, et de tant d’autres où les exploitations exagérées, les délits et le pâturage ont concouru à la destruction. C’est ainsi que la plupart des sapinières des Pyrénées ont disparu, et que la richesse forestière de cette région diminue de moitié d’un siècle à l’autre.


IV

Le bilan de nos richesses en sapin et épicéa n’est pas rigoureusement établi ; mais il est facile d’en prendre une idée approchée. L’état a conservé environ 80,000 hectares de sapinières productives, dont moitié dans les Vosges, et le surplus par portions à peu près égales dans le Jura, les Alpes et les Pyrénées. Les communes en possèdent de même une étendue de 120,000 hectares, savoir : 50,000 hectares dans le Jura, et le reste assez bien réparti entre les Alpes, les Vosges et les Pyrénées. Il ne reste plus que quelques lambeaux de sapinières dans les montagnes du centre de la France. Au total, 200,000 hectares bien peuplés de sapins ou d’épicéas, telle est, à peu de chose près, l’étendue comprise dans les bois soumis au régime forestier.

Un massif régulier de sapins âgés de cent cinquante ans, bien complet et dans de bonnes conditions de production, présente à l’hectare jusqu’à 1,000 mètres cubes, dont 900 de bois d’œuvre. On en déduirait une production moyenne de 6 mètres cubes de bois d’œuvre par hectare et par an ; mais il ne nous semble pas permis. d’évaluer la production réelle de nos sapinières à plus de 3 mètres cubes de bois d’œuvre à l’hectare, ce qui correspond à un revenu moyen de 60 francs environ. À ce compte, on peut estimer le produit total des forêts régies par l’administration à 500 ou 600,000 mètres cubes par an. Les bois des particuliers ne donnent certainement pas moitié de ce volume[1]. C’est donc environ 700 ou

  1. Il nous souvient d’avoir vu une sapinière en massif de vieux bois, plein et riche, appartenant à un particulier, une seule. Elle se trouve sur le territoire de la commune de Bonnevaux (Doubs), entre le bois communal et les prés de la vallée du Drageon. C’était à cette époque, en 1857, la propriété de M. Droz.