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Avant de les abattre, on les élague pour éviter autant que possible de les briser par la chute et de dégrader les jeunes arbres qui les entourent. L’élagueur en coupe même le cimeau. Il se hâte, au moment où celui-ci se détache, d’embrasser fortement la tige, car il va se trouver balancé dans l’espace, en haut de son sapin, à 30 ou 40 mètres du sol. L’impulsion est telle qu’il n’y résiste pas toujours et peut lâcher prise ; mais ces accidens sont rares. L’arbre abattu donne une pièce, équarrie à quatre pans, où un rondin, simplement écorcé et dégrossi à la patte. Ces grands bois descendent au bas pays, portés sur quatre roués et traînés par deux paires de bœufs. Il faut aussi deux charretiers pour conduire : l’un dirige l’attelage et l’autre manœuvre le train d’arrière dans les tournans. Le passage en certains coudes, et surtout dans les villes, aux angles des rues par exemple, est toujours difficile. Trop longs pour être transportés sur wagons, ces sapins descendent donc, par les belles routes du Jura, traversant Besançon, Salins, les villes situées au pied du grand escarpement de la montagne. Le principal port d’embarquement se trouve sur la Loue à Chamblay ; de Là le nom de bois de Chamblay donné dans les ports aux sapins du Jura. Les pièces sont employées pour les constructions, la batellerie, la marine ; les rondins font surtout des mâts de grandes dimensions.

Par ce qui précède, il est facile de voir qu’en général les petits bois, très communs, ont peu de valeur. Les bois moyens, débités en masse en planches de toute sorte, ont un prix courant bien établi, ce prix n’est qu’environ moitié de celui du chêne de même grosseur. Quant aux bois gros et longs, ils forment une catégorie réservée pour des emplois spéciaux, représentée par des sujets de plus en plus rares et dont la valeur, déjà fort, élevée, progresse d’une manière soutenue. Ce sont là des faits généraux en Europe et très importans pour les propriétaires de forêts.

Les prix du sapin et de l’épicéa sont à peu près les mêmes. La valeur du mètre cube dépend tout à la fois de la grosseur et de la longueur de la pièce, et elle augmente d’une manière à peu près régulière avec le volume de l’arbre. Là par exemple où le sapin de 2 mètres cubes, bois rond, vaut sur pied 20 francs le mètre cube, l’arbre de 4 mètres cubes peut valoir 25 francs le mètre cube, et l’arbre de 6 mètres cubes 30 francs. Plus la forêt est reculée, escarpée, plus la traite des bois en est difficile, plus aussi les prix du sapin sur pied sont déprimés.

Au commencement du siècle, les sapins n’avaient dans les forêts qu’une valeur bien faible. En certaines communes de l’arrondissement de Montbéliard, au Russey, à Maiche, on vendait 12 ou 15 francs, vers 1810 le pied d’arbre, qui vaut aujourd’hui 300 fr. Ailleurs, dans les communes des Uziers, un peu au-dessous de