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de sapin ? D’où viennent-ils ? N’est-ce pas la destruction rapide d’un matériel longuement accumulé qui s’opère aujourd’hui ? La hâte apportée aux exploitations est-elle d’un grand profit ? Quelle est la mesure de nos besoins et de nos ressources ? Toutes ces questions sont nées d’hier, et déjà la solution en est urgente.

En France, les forêts résineuses les plus importantes, les plus précieuses, au moins au point de vue de la production du bois d’œuvre, sont les forêts de sapin proprement dit et d’épicéa. Ces deux arbres ont dans nos montagnes une végétation magnifique et y donnent en un temps relativement court les meilleurs produits. Cependant depuis un demi-siècle nos sapinières ont été attaquées sur presque tous les points par de larges exploitations. Elles n’ont pas une immense étendue, elles ne fournissent qu’en partie les bois résineux employés dans le pays ; mais le prix du sapin est à la hausse, et il peut arriver que bientôt les importations de bois résineux deviennent difficiles, chères et insuffisantes. Il y a donc pour nous un intérêt spécial à connaître les ressources que nous offre la production indigène et les moyens d’en tirer bon parti.


I

Les principales tribus de nos arbres résineux d’Europe se distinguent par le feuillage comme par le bois, par l’aspect comme par les caractères botaniques, notamment par les fruits et les graines. Les pins se reconnaissent à première vue aux aiguilles groupées et grandes. De longueur variable, elles sont réunies à leur base par deux, trois, ou cinq ensemble dans une petite gaine formée d’écailles membraneuses. Les aiguilles des pins persistent deux ou trois années sur l’arbre. Les sapins ont les aiguilles isolées entre elles, éparses sur les rameaux et relativement courtes. Elles mesurent à peine 2 ou 3 centimètres en longueur ; ce n’est que la moitié de la taille des plus courtes aiguilles de pins. Comparée à la couleur verte de ceux-ci, la teinte des sapins est d’un vert-noir. Tout le monde connaît le feuillage des mélèzes, léger, d’un vert gai, formé d’aiguilles tendres, éparses sur les pousses qui s’allongent, serrées en bouquet sur celles qui ne s’allongent pas. Les feuilles des mélèzes tombent toutes à l’automne, laissant la forêt entièrement nue jusqu’à la fonte des neiges, époque où le sol et les arbres reprennent en même temps un vêtement herbacé.

La tribu des sapins comprend trois grands genres : les sapins proprement dits et les épicéas, répandus en Europe, en Asie et dans l’Amérique du Nord, puis les tsugas, connus dans ce dernier continent seul. Les sapins ont les aiguilles planes, et le cône, qui est leur fruit, dressé sur les rameaux ; les épicéas ont les aiguilles