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et quelles seront, relativement à ces fêtes publiques, les attributions respectives des deux chambres. Le noyau de cette seconde chambre est formé par l’Académie des sciences, et ses membres reçoivent également 10,000 francs de traitement.

Les deux premières chambres ne sont après tout que consultatives : celle qui tient les cordons de la bourse, et qui par conséquent est véritablement en possession du pouvoir, est la chambre d’exécution, laquelle n’est autre chose que la chambre des communes ou chambre des députés. Celle-là seule doit établir l’impôt et le percevoir. Les membres de cette chambre ne toucheront pas de traitement, car ils doivent tous être riches, et ne doivent être choisis que parmi les principaux chefs des maisons d’industrie. On voit que, dans cette première phase du socialisme contemporain, le capital, bien loin d’être proscrit et maudit, comme il le sera plus tard, est au contraire mis à la tête de la société nouvelle. C’était en effet aux premiers capitalistes, aux premiers financiers du temps que Saint-Simon s’adressait pour le succès de ses idées. C’est avec le concours des Laffitte, des Périer, des Ternaux, qu’il publiait ses premiers écrits : c’était eux qu’il avait en vue pour directeurs futurs de son entreprise réformatrice. Quant au but positif et effectif de cette entreprise, il n’en parlait plus, et se contentait de l’indiquer vaguement en ces termes : « La propriété devra être reconstituée et fondée sur les bases qui peuvent la rendre la plus favorable à la production[1]. » Enfin, comme mesure de transition, l’auteur demandait un emprunt de 2 milliards pour indemnité envers les personnes auxquelles le nouveau système aura causé quelque dommage.

Le plan précédent devait avoir pour effet d’établir le système industriel et scientifique, et de le substituer au système féodal et théologique pour mettre fin à la révolution. La classe industrielle, chargée d’une part d’inventer les projets par le moyen des ingénieurs, de l’autre de les voter par le moyen des chefs d’industrie, était véritablement mise en possession du pouvoir temporel de la nouvelle société. D’un autre côté, la classe savante, chargée du contrôle et de la-critique, et pouvant arrêter tout projet contraire aux principes de la science, avait véritablement par son veto le pouvoir spirituel ; mais un nouvel élément, peu indiqué jusque-là, était intervenu : c’était celui des artistes et des lettrés. A la vérité, Saint-Simon ne leur attribuait guère qu’un rôle assez secondaire, celui d’organiser des fêtes publiques ; mais en les rendant membres de la chambre d’invention et en les faisant participer au vote d’ensemble, sur tous les projets, il leur donnait en réalité une part

  1. Œuvres, t. XX, p. 59.