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difficilement à être renvoyé d’Hérode à Pilate. Soixante-trois administrations souveraines, réparties entre les vingt-cinq états de l’empire, et treize cent cinquante tarifs différens, il y avait là de quoi lasser la patience allemande, dont la réputation a été un peu surfaite. Le commerce n’a pas cessé de réclamer. Il est vrai que la constitution de l’empire a conféré au gouvernement central un droit de surveillance et de contrôle sur les voies ferrées et sur les tarifs, mais jusqu’aujourd’hui ce contrôle est demeuré inefficace. Une loi du 27 juin 1873 a institué un office impérial des chemins de fer, cet office n’a pas rendu tous les services qu’on espérait. A deux reprises le Reichstag a mis le chancelier de l’empire en demeure de lui présenter une loi sur les chemins de fer, à l’effet d’en régler la construction et l’exploitation par des principes uniformes. On a tenté de s’entendre pour faire cette loi, on n’y est point parvenu. Le bruit court que cet insuccès répété n’a pas chagriné M. de Bismarck, qui aujourd’hui peut dire à l’Allemagne : — Nous avons essayé des petits moyens et nous n’avons pas réussi, essayez de mon grand moyen ; certains maux ne peuvent être guéris que par des remèdes héroïques.

Les partisans du remède héroïque préconisé par le chancelier de l’empire traitent durement les timides qui refusent d’en tâter. — Cerveaux étroits, leur disent-ils, quand donc renoncerez-vous à vos préjugés et à vos objections ? Dieu soit loué, l’empire est fait, et nous ne sommes plus au temps de la diète de Francfort ! Il convient à l’Allemagne de renouveler les habitudes de son esprit, et c’est le devoir d’un grand peuple d’aimer les grandes idées et de donner les grands exemples. Il nous sera glorieux de faire aux yeux de l’Europe attentive une expérience dont au demeurant le succès est assuré. Vous savez ce que vaut l’administration prussienne ; n’est-il pas à souhaiter qu’elle propage partout ses principes, ses règlemens et ses procédés, dont l’excellence vous est connue ? Quand le gouvernement impérial se sera substitué aux états et aux compagnies d’actionnaires, quand il tiendra dans sa main tout le réseau allemand, il introduira les innovations heureuses qu’il a déjà pratiquées dans l’Alsace-Lorraine. Les marchandises ne paieront plus qu’en raison de leur poids et de la distance à parcourir, tant par mille, tant par quintal. Non-seulement l’empire établira partout des tarifs rationnels et uniformes, les économies qu’il obtiendra dans l’exploitation lui permettront de les abaisser sensiblement. Il administrera les voies ferrées comme il administre déjà les postes et les télégraphes, en subordonnant l’intérêt fiscal à l’intérêt des particuliers, en ne demandant au public que le prix de sa peine et du service qu’il lui rend. Ainsi l’Allemagne deviendra le pays des chemins de fer à bon marché, l’Eisenbahnparadies, le paradis des rails, pour le plus grand avantage de son commerce et avec la certitude d’attirer bientôt à elle tout le transit européen.

A cela, les adversaires du rachat répondent : — Vous êtes bien sûrs