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Burgoyne présente-t-il au ministère Aberdeen un plan de campagne pour la future guerre d’Orient. On s’exagérait alors la faiblesse des Turcs et la force de leurs adversaires. On n’imaginait guère qu’Omer-Pacha fût capable de barrer le passage aux Russes; l’on s’attendait à voir ceux-ci, dès le début des hostilités, franchir le Danube et marcher sur les Dardanelles. Il faut une armée européenne de 25,000 hommes, 10,000 Anglais et 15,000 Français, pour sauver Constantinople, se disait-on à Londres, peu ou point de cavalerie, pas d’autres chevaux que ceux de l’artillerie. Burgoyne, ayant étudié la carte, découvrait le long du Bosphore un emplacement facile à défendre avec des fortifications improvisées, un autre Torres-Vedras; mais la carte ne donnait que des renseignemens vagues. Il offrit d’y aller voir de sa personne. Il avait alors soixante-douze ans; l’âge n’y faisait rien. Il partit à deux jours de là.

A Paris, lord Cowley le présente à l’empereur et au maréchal Vaillant, encore indécis, paraît-il. « C’est moi qui règle les affaires de l’Europe, écrit-il à lady Burgoyne après cette entrevue; ma conversation semble avoir impressionné l’empereur et le ministre des affaires étrangères et les avoir convaincus qu’on peut faire plus qu’ils n’imaginaient. » Huit jours après, tandis qu’il vogue vers Constantinople en compagnie d’un officier français, le colonel Ardant, lord Cowley lui écrit : « Vous serez heureux d’apprendre que votre visite à Paris a produit un changement sensible dans les vues de l’empereur; il fait les préparatifs d’une expédition terrestre pour le cas bien probable où les dernières négociations échoueraient. » Jusqu’à ce moment, il avait été question d’une expédition maritime seulement; on commençait à parler d’une armée de vingt-cinq mille hommes; chacun sait ce qu’il en fallut envoyer plus tard. Ce n’est donc pas seulement la dernière guerre de l’empire qui a été engagée sans que le gouvernement en eût calculé les conséquences.

L’excursion du général Burgoyne s’était prolongée plus qu’il ne l’avait prévu au départ. Non content d’explorer les environs de Constantinople en vue d’y créer un camp défensif, il s’était rendu à Shumla au quartier-général d’Omer-Pacha, qu’il avait trouvé plein de confiance. En conséquence, le plan de campagne qu’il propose se modifie déjà. Le camp retranché des Dardanelles n’est pas à négliger, car personne ne peut affirmer que les Russes ne forceront pas la ligne des Balkans; ce sera dans tous les cas une excellente base d’opérations; toutefois les alliés ne doivent pas garder une attitude défensive, ils ne peuvent attendre les bras croisés que l’ennemi vienne les attaquer sur les rives du Bosphore. Il convient