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ville serait enlevée d’un coup de main. Le commandant des troupes, sir Edward Pakenham, n’avait pas tant de confiance; mais, avant qu’il fût arrivé, l’amiral avait déjà mis à terre une partie des troupes envoyées d’Angleterre. L’opération se présentait dans de mauvaises conditions. Sur l’une et l’autre rive du Mississipi, le terrain est marécageux; il n’y avait pas alors d’autres routes que les digues du fleuve, où les troupes en marche étaient exposées au feu des canonnières américaines. La Nouvelle-Orléans était défendue par de nombreuses batteries que le général Jackson avait construites et armées avec diligence. Telle était la place qu’il était question d’enlever avec des troupes qui ne pouvaient recevoir de secours que de la flotte, et la flotte était obligée de rester au large. L’attaque eut lieu cependant ; les Anglais s’approchèrent en bateaux armés par le lac Pontchartrain. Ils furent repoussés, sir Edward Pakenham y perdit la vie. Burgoyne était d’avis qu’une seconde tentative serait couronnée de succès, et en effet le général Jackson était sur le point d’évacuer la ville; mais les chefs de l’expédition se découragèrent. Ils vinrent bien inutilement assiéger le fort Bowyer à l’entrée de la baie de Mobile; s’en étant emparés, ils jugèrent l’honneur satisfait et revinrent en Europe. N’est-on pas frappé, en étudiant les guerres du premier empire, du grand nombre d’expéditions malheureuses que les Anglais ont tentées pendant cette période sur le littoral des contrées avec lesquelles ils étaient en lutte? C’était la faute des amiraux, paraît-il, qui s’imaginaient, avec quelques troupes de débarquement, enlever d’un coup de main une ville fortifiée, une flotte, un arsenal. Le gouvernement anglais cédait à leurs instances, leur envoyait des régimens ; il arrivait ce qu’on vient de voir à la Nouvelle-Orléans. Pour Burgoyne, c’était, après Burgos, une campagne sans gloire dont le souvenir devait peser sur sa carrière. De plus il y perdit une belle occasion d’être mis en relief. De retour en Europe au mois de juin 1815, il eut le chagrin d’apprendre qu’il n’y avait plus de place pour lui dans l’armée qui opérait en Belgique contre Napoléon.

La guerre était bien finie cette fois. Burgoyne n’y avait pas perdu son temps, car il en sortait avec le grade de lieutenant-colonel; presque encore un enfant lorsqu’il était parti, il revenait un homme fait, mis en réputation par les actions auxquelles il avait pris part. Ces dix-sept années de son existence s’étaient écoulées dans les camps, sous tous les climats, depuis la Suède jusqu’au Caire, depuis Constantinople jusqu’au golfe du Mexique. Quelle éducation pour un jeune homme bien doué, instruit, assez studieux pour ne pas manquer d’écrire chaque soir le journal de sa vie ! Eh bien ! le le croirait-on ? Dans ce journal, dans les lettres qu’il adresse à sa sœur et à lord Derby, son bienveillant protecteur, dans les notes