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Autant qu’on en peut juger par son journal et par sa correspondance, Burgoyne a été un médiocre admirateur de Wellington. Peut-être était-ce une conséquence de cette disposition d’esprit que l’on reproche souvent aux officiers des armes savantes d’être trop enclins à la critique. De son côté, Wellington, plus habitué aux manœuvres stratégiques qu’aux lentes opérations d’un siège, ne se rendait pas bien compte sans doute des délais nécessaires qu’exigent des travaux de sape et de mine. « Le bruit court, écrit encore Burgoyne pendant le second siège de Badajoz, qui devait être infructueux comme le premier, le bruit court que sa seigneurie aurait dit : « Si j’entreprends un autre siège, j’en serai moi-même l’ingénieur. » Quelques fautes que l’on ait commises, je suppose cependant qu’il ne s’en est pas aperçu, et je crois même qu’il ne les aperçoit pas encore. » Badajoz ne fut enlevée d’assaut que l’année suivante après un troisième investissement, et encore l’armée anglaise y perdit-elle 3,000 tués ou blessés, quoique la garnison fût inférieure à 5,000 hommes. Que ce fût faute de matériel de siège, impéritie du commandement ou maladresse des ingénieurs, il est certain que des places fortes de bien faible importance arrêtaient longtemps Wellington. Burgoyne, lui, s’en prend le plus souvent aux soldats anglais qui se prêtent de mauvaise grâce aux travaux de siège. Un jour, il avoue que ses hommes n’exécutent pas les ouvrages de terrassement dans l’espace de temps indiqué par les auteurs français. Une autre fois, devant Burgos, il regarde à distance les Anglais creuser une tranchée, en même temps que les Français en creusent une de leur côté : chez ceux-ci, on voit les pelletées de terre jetées à intervalles réguliers par dessus le parapet; chez les premiers, à peine aperçoit-on une pelletée en l’air de temps en temps. Ces remarques ne sont pas insignifiantes; elles tiennent au caractère particulier des deux nations. En Crimée encore, on vit plus tard les mêmes faits se reproduire.

A Badajoz, Burgoyne n’avait eu qu’un rôle subalterne ; s’il s’y était distingué, ce que personne ne lui conteste, c’était en conduisant à l’assaut la division du général Picton, à laquelle il était attaché. Devant Burgos, il était commandant du génie, sous les ordres immédiats de Wellington. Au dire des écrivains français qui ont raconté ces événemens, le château de Burgos était une bicoque qui n’aurait pas dû résister plus d’une semaine. Il s’y trouvait une garnison de 2,000 hommes, mais quels hommes! En partie des traînards que l’armée française laissait derrière elle en effectuant sa retraite. Les Anglais étaient nombreux au contraire; leurs meilleurs soldats se trouvaient là, seulement leur artillerie était un peu faible. Après trente-deux jours d’investissement et un assaut infructueux, le général en chef se résolut à lever le siège, sur l’avis