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REVUE. — CHRONIQUE.

du succès ils sont occupés sinon à renier la constitution, du moins à chercher comment ils pourront l’annuler ou la plier à toutes leurs volontés. C’est au fond la vraie signification de cette tentative, qui a été faite, qui n’est point abandonnée, pour rassembler tous les républicains du sénat et de la chambre des députés dans ce qu’on appelle une « réunion plénière. » Le but est évident. Jusqu’ici les divers groupes, — centre gauche, gauche modérée, union républicaine, — ont eu des réunions séparées ; ils se sont alliés dans la campagne dont la proclamation définitive de la république a été le dénoûment, ils n’ont cessé d’avoir une existence propre, une politique indépendante. En les confondant aujourd’hui, en les amenant à ne former qu’une seule et même réunion, on efface les nuances; les modérés des deux chambres disparaissent dans le nombre, il ne reste plus qu’une masse compacte dont la direction appartient naturellement à M. Gambetta, l’inventeur de la combinaison. Il n’y a plus qu’une majorité dite républicaine dont M. Gambetta est le dictateur. Voilà les conséquences qu’on prétend tirer des dernières élections.

C’est évidemment une tentative audacieuse pour se passer de la constitution, pour dominer les délibérations régulières des deux chambres par les délibérations irrégulières d’une sorte de grand club central et supérieur. C’est créer un parlement commun et révolutionnaire à côté des assemblées constitutionnelles. C’est enfin une manière de dicter des volontés aux chambres comme au gouvernement, et déjà M. Gambetta n’a pas caché la portée de la proposition par laquelle il a tenté de s’emparer de la majorité des deux chambres. Avant même que le ministère ait parlé ou accompli un acte, la première « réunion plénière » lui a signifié ses volontés, et ces jours derniers encore M. Gambetta, sous une vaine apparence de modération, a laissé voir toute sa pensée. S’il a fait grâce de quelques jours au cabinet, c’est par pure magnanimité. S’il n’a pas signifié aux ministres leur indignité, il n’a pas moins maintenu son programme impératif, — de sorte que M. Gambetta semble placer le gouvernement entre la menace d’une opposition violente de cette majorité dont il croit disposer et l’humiliation de subir une pression extérieure. Il s’agit de rendre le jeu des institutions et le gouvernement impossibles par une sorte de convention ressuscitée à l’aide d’un subterfuge de tactique en pleine paix ! Tout cela est fort bien, il ne manque pour le succès de ce plan qu’une petite condition, c’est que tout le monde se soumettra et consentira à recevoir de si étranges mots d’ordre. Nous n’en sommes point heureusement tout à fait là. Le gouvernement n’est point disposé à se laisser placer dans ces alternatives, où il perdrait sa dignité et sa liberté; il agira comme doit agir un gouvernement qui se respecte, et il aura la majorité que sa politique lui assurera. Le centre gauche et la gauche modérée, de leur côté, ont eu la sagesse de prévenir