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Aigion n’a pas d’industrie spéciale ; la consommation y est trop faible et ne permet pas, en face de la concurrence de l’Europe et de la Turquie, l’importation des matières premières. La soie est, comme presque partout en Grèce, le seul objet de fabrication, et c’est à peine si le sol fournit assez de chanvre et de coton pour répondre aux besoins des habitans. On élève à Aigion une grande quantité de vers à soie, et la chaleur du climat, l’abondance des mûriers, en font un excellent rapport. La soie est très épaisse, d’une belle couleur et très également filée ; la plus grande partie en est expédiée aux commerçans grecs de Marseille, d’où on l’envoie à Lyon. Le reste est conservé par les propriétaires qui la font tisser dans leurs propres maisons. Chaque famille a son ergalion ou métier ; c’est un appareil en bois, très simple et peu coûteux, dont toutes les jeunes filles savent se servir. On ne trouve pas en France les étoffes qu’elles tissent ainsi ; la trame en est beaucoup plus large que celle de notre soie et se rapproche plutôt de celle de la gaze de Chambéry. Presque toujours blanches, quelquefois traversées de soies cerise, elles présentent généralement entre elles une grande variété de dessins selon que le tissu en est plus ou moins serré. C’est avec ces étoffes de soie, si légères qu’elles sont transparentes comme du tulle, qu’on fait les chemises de femmes, les rideaux et même les draps de lit. Plus souvent on tisse à cet usage, sur le même métier, des pièces de coton avec des dessins semblables, composés de longues rayures mates et écrues plus ou moins rapprochées, et qui ont un grand rapport avec ce que nous appelons à Paris les étoffes algériennes. Il y a aussi des teinturiers à Aigion qui apprêtent la soie brute et la livrent aux brodeurs. Ceux-ci s’en servent pour orner les costumes et pour tisser les jarretières et les ceintures dont nous avons parlé. On fabrique encore, mais avec du cuir importé de Turquie, — celui que nous appelons cuir de Russie, — les tsarouchia brodés de soie, les shylakia (ceintures) des palikares et les harnais des chevaux.

Le commerce a pris depuis la guerre de l’indépendance une assez grande extension à Aigion. De grands troupeaux de brebis et de moutons, qui trouvent de quoi se nourrir sur les montagnes les plus arides, suffisent amplement à la consommation de la ville, et sont l’objet de marchés importans. Leur laine et leurs peaux se vendent et s’achètent également très bien. C’est une des richesses des propriétaires campagnards, des palikares qui vivent loin des villes pour surveiller leur bétail dont on ne fait le compte que par mille têtes.

Quant à Aigion, il faut distinguer deux genres de commerce : l’un qui porte sur les différens objets de consommation quotidienne