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de mes défauts, et, de plus, anéantir et détruire une infinité de calomnies que la haine en quelques-uns et l’envie et la douleur en quelques autres excitèrent contre moi de toutes parts. » (Mémoires de Du Maurier.)

La guerre civile avait éclaté en France. Condé et Bouillon s’étaient emparés de Mézières, et Condé avait adressé un manifeste à la reine-mère pour demander la convocation des états-généraux et la rupture du mariage projeté entre le jeune roi et une infante espagnole. La cour et les princes recherchaient l’alliance des états. Maurice était un ennemi déclaré de l’Espagne, mais il avait au plus haut degré ce qu’on nommerait aujourd’hui l’esprit de gouvernement. Il était fidèle observateur des règles du droit des gens, et derrière Concini il voyait la reine de France. Condé, disait-il, avait la tête remplie de prédictions d’almanachs (dépêche de Du Maurier). Si Mézières eût été à lui, la tête du commandant qui avait livré cette place n’eût pas été longue à tomber. Il y avait à ce moment une petite armée française en Flandre, en exécution des derniers engagemens pris par Henri IV. Maurice défendit sous peine de mort à aucun soldat ou officier de cette armée de rentrer en France pour servir les rebelles, et il mit toutes les forces françaises, placées momentanément sous ses ordres, à la disposition de la reine. Un soldat qui tenta de déserter fut pendu ; trois autres reçurent sur la joue, au fer rouge, la marque d’une potence. La première révolte des princes ne fut pas de longue durée, et le 15 mai 1614 on signa la paix de Sainte-Menehould, qui fut, suivant l’expression de Motley, la caricature d’un traité, comme la rébellion avait été la parodie de la guerre. La princesse d’Orange avait eu une attitude aussi correcte que le prince, et elle y avait plus de mérite ; mais elle aussi avait appris à se défier du langage spécieux et des grâces de Bouillon. Elle assistait avec tristesse à l’éclipsé de la grandeur française : Henri IV n’était plus, Richelieu était dans l’ombre, un vil favori disputait à des princes avides la fortune de la France.

Quand la cour se rendit à Bayonne pour y chercher l’infant d’Espagne, Condé fit une seconde prise d’armes. Bouillon écrivit au comte Jean de Nassau ; « Nous avons été contraints de prendre les armes pour garantir la France de la sujétion étrangère à quoi on la veut porter par la ruyne de la maison royale… Il faut arrêter le cours de la puissance espagnole. » (Lettre écrite au camp de Pimpré, près Soissons, le 25 septembre 1615. — Archives de Hollande.) Cette fois, Maurice fut ébranlé, car le gouvernement français l’avait abandonné quand Spinola avait pris Aix-la-Chapelle et Wesel. Pourtant sa rancune ne l’aveuglait point sur les motifs des princes ; quand il parlait de ceux qui prétendaient venger Henri IV, il ne