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Henri, âgé alors de quatorze ans. Elle débarqua à Dieppe, le mariage se fit à Châtellerault, où était à ce moment l’assemblée des églises réformées, puis la princesse d’Orange se rendit à Thouars avec les nouveaux époux. Elle alla saluer le roi à Nantes et y resta avec la duchesse de Bouillon et la duchesse de la Trémoille pendant toute la durée des négociations, qui se terminèrent par le fameux édit. La princesse ne se fixa auprès d’aucune de ses filles, mais elle ne cessa de s’occuper d’elles avec un soin tout maternel. Sa correspondance avec la duchesse de la Trémoille montre une vraie « grand-maman, » qui se complaît aux détails des grossesses, des accouchemens, des nourrices, comme la plus simple bourgeoise, gaie par momens et gaillarde, comme dans cette lettre qu’elle écrit de Paris à la duchesse de la Trémoille qui vient d’avoir son premier enfant : « Ma fille, un fils, j’en pleure de joie. Enfin je n’ai point de parole pour vous représenter mon contentement… Vraiment vous avez bien de l’avantage sur toutes vos sœurs d’avoir si bien commencé et si promptement. Quoi ! dix jours après être mariée ? Pour certain, je crois que c’est du jour où nous déjeunâmes si bien sur votre lit. »


III.

Louise de Coligny resta en France depuis 1598 jusqu’en 1603 ; la douceur de ces cinq années, que peuvent comprendre seulement ceux qui ont vécu longtemps hors de leur pays, ne fut pas sans quelque amertume. En premier lieu, elle ne put garder auprès d’elle son fils Henri. Elle s’était flattée d’obtenir pour lui, par la faveur de Henri IV, un grand établissement en France : elle le produisait à la cour. « J’ai dit à M. de Domarville (le gouverneur du jeune prince), qu’il vous mande le ballet dont votre petit frère a été et où il a triomphé. » (Lettre du 15 décembre 1598.) Messieurs des États ne se souciaient point que le neveu du comte Maurice devînt un courtisan français ; ils le rappelèrent pour qu’il prît part aux opérations militaires de 1599. « Je suis si interdite, écrit la pauvre mère, du parlement de votre frère que je ne sais ce que fais. » Elle est embarrassée d’argent, et ne sait comment l’équiper. « Je ne pense plus qu’au moyen de le faire retourner avec quelque lustre et moyen de servir sa patrie, de façon que je ne parle à cette heure, qu’hommes, armes et chevaux ; et pour ce faire, je vous laisse à penser s’il me faut trouver de l’argent, à quoi me fait un extrême besoin celui que me doit votre bon mari… il y va de l’honneur et de la réputation de votre cher frère, car messieurs des États me prient instamment qu’il leur amène une bonne troupe. » Elle dit adieu à son fils à Vigny, château situé près de Pontoise, qui était alors aux Montmorency.