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trouver en face d’une double difficulté, de ce que j’appellerai une question de direction générale et une question de conduite parlementaire.

La question de politique générale semblait tranchée ; en réalité, elle renaissait à chaque pas, sous toutes les formes, dans des conditions où tout était nécessairement changé. Au moment où le premier ministère d’Azeglio s’était formé en maintenant sous le coup de Novare, sous le feu de l’ennemi, le drapeau du « statut » et du libéralisme national, il avait été obligé de dissoudre une chambre d’opposition révolutionnaire et belliqueuse qui n’était plus qu’un danger. Ce n’est même qu’après une seconde dissolution et par l’intervention directe du roi qu’il avait fini par obtenir du pays un parlement avec lequel il pouvait vivre. Dans cette chambre nouvelle, la majorité, composée de toutes les nuances conservatrices, était immense ; la gauche ne représentait plus qu’une minorité peu redoutable. C’est ce qui avait sauvé le Piémont de la perdition en lui rendant la paix et un ordre régulier.

Une fois la paix signée et acceptée, c’était une situation toute nouvelle où les questions intérieures reprenaient leur importance, où les partis commençaient visiblement à se modifier et à se transformer. Tandis qu’une fraction de la majorité représentant un centre droit avec des hommes comme M. Pinelli, M. Boncompagni, M. Castelli, n’hésitait pas à suivre le ministère dans ses tentatives réformatrices, dans sa marche sagement libérale, la droite pure, avec le comte Balbo, le comte de Revel, le colonel Menabrea et quelques députés de la Savoie, opposait une certaine résistance. Elle ne cessait pas d’être sincèrement constitutionnelle, elle ne se séparait pas du gouvernement, mais à tout prendre c’était un parti stationnaire ou réactionnaire, qui voulait du « statut » sans ses conséquences et qui en appuyant le gouvernement l’embarrassait souvent. Lorsque le ministère présentait la loi du foro, le comte Balbo et ses amis la combattaient et se levaient contre elle. Lorsque Cavour accomplissait ses grandes réformes économiques et négociait ses traités de commerce avec la France, l’Angleterre, la Belgique, il rencontrait l’opposition de M. de Revel et des protectionnistes de la droite. Sans être précisément un adversaire, le colonel Menabrea, jeune alors et brillant officier du génie, habile orateur, ressemblait à un dissident conservateur et clérical ; à l’occasion de la loi sur les privilèges ecclésiastiques, il avait quitté le poste de premier secrétaire des affaires étrangères. — En même temps, dans le camp opposé, se dessinait un mouvement en sens contraire. La gauche extrême des Tecchio, des Sineo, des Brofferio, n’abdiquait pas, elle restait avec ses passions et ses habitudes de déclamation ; mais déjà de ce camp démocratique