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fait est qu’avant peu il ajoutait au ministère du commerce le ministère des finances : il avait le gouvernement économique du Piémont, — et le roi Victor-Emmanuel avait dit vrai, ce n’était pas tout !


III

Ce que je veux montrer, c’est l’origine d’une situation où un pays vaincu a la fortune de trouver à propos un prince bien inspiré, des hommes dévoués qui ne désespèrent pas de le relever, par le patriotisme et la liberté constitutionnelle, d’un désastre en apparence irréparable.

Non assurément, elle ne s’est point accomplie en un jour ni d’un seul coup, cette œuvre compliquée et difficile ; elle a passé par bien des crises intimes, obscures : elle a eu en définitive deux phases caractéristiques, et la première est représentée par ce ministère d’Azeglio, où Cavour entrait au mois d’octobre 1850, qui a été, au lendemain de Novare, le vrai point d’arrêt dans la ruine, le commencement de la réparation. C’est en réalité le ministère de la paix nécessaire rehaussée et compensée par le maintien des institutions libérales. Tandis que d’Azeglio, par sa dignité aimable et par sa loyale modération, s’étudie à dissiper les défiances au dehors, à refaire la situation diplomatique du Piémont, le comte Siccardi prend l’initiative des réformes ecclésiastiques. Le général Alfonso de la Marmots, ministre de la guerre, après avoir pacifié Gênes, met tout son feu à reconstituer l’armée, désorganisée par la défaite. Il a les institutions militaires à modifier, l’instruction à relever, le corps d’officiers à renouveler, en ouvrant les rangs de l’armée régulière à ceux des autres provinces italiennes qui ont combattu avec les Piémontais pendant la guerre, — et à tous il inspire le même esprit ; « les officiers, à quelque province qu’ils appartiennent, dit-il, sont, je l’espère, bien pénétrés du sentiment national par lequel tous les Italiens sont les fils également dévoués de la même grande patrie, — l’Italie ! » Au besoin, La Marmora ne craint pas d’engager sa responsabilité devant les chambres en se hâtant de compléter les fortifications de Casale, — ces fortifications qui dix ans plus tard, en 1859, devaient arrêter l’invasion autrichienne ! À cette œuvre de réparation, Cavour, comme ministre du commerce et des finances, coopère par ses réformes économiques, par la liberté commerciale, par ses combinaisons d’impôts, surtout par cette fertilité de ressources et cet entrain d’activité qui lui assurent bien vite l’initiative et l’influence dans le gouvernement. Le Piémont se remet en marche. A mesure qu’on avance cependant, on ne tarde pas à se