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disait-il, les révolutions les plus belles et les plus justes ? La manie des moyens révolutionnaires, les hommes qui ont prétendu s’affranchir des lois communes… » — L’assemblée constituante française créant les assignats en dépit de la nature et des lois économiques, — moyen révolutionnaire qui produit le discrédit et la ruine ! La convention prétendant étouffer dans le sang la résistance à ses ambitieux projets, — moyen révolutionnaire qui produit le directoire, le consulat et l’empire ! Napoléon pliant tout à son caprice, croyant « qu’on peut avec une égale facilité vaincre au pont de Lodi et effacer une loi de la nature, » — moyen révolutionnaire qui conduit à Waterloo et à Sainte-Hélène ! Les sectaires de juin prétendant imposer par le fer et le feu la république démocratique et sociale, — moyen révolutionnaire qui produit l’état de siège à Paris, la réaction partout ! « Attendons encore un moment, ajoutait-il, et nous verrons le dernier effet du moyen révolutionnaire, — Louis-Napoléon sur le trône ! »

C’était certes d’un esprit juste, libéral et clairvoyant ; mais ni Cavour ni ses amis du parlement ou de la presse ne pouvaient improviser au milieu du feu une force d’opinion modératrice. Le mouvement qui entraînait l’Italie, qui retentissait à Turin, emportait successivement le premier ministère constitutionnel du comte Balbo, le ministère de fusion nationale du comte Casati, le ministère de l’armistice, — Alfieri,-Revel,-Pinelli, — pour se précipiter vers le ministère des résolutions extrêmes, des connivences révolutionnaires et de la guerre à outrance.

Un instant seulement, aux derniers jours de 1848, un homme porté au pouvoir par la popularité, Vincenzo Gioberti semblait appelé à suspendre les événemens ou à leur imprimer une direction nouvelle ; il l’essayait du moins, et en cela il retrouvait aussitôt l’énergique appui de Cavour, qui avait défendu jusqu’au bout contre lui le ministère du comte de Revel et de M. Pinelli. Gioherti sentait le danger d’une politique vulgairement révolutionnaire et témérairement belliqueuse. Il comprenait que, sans renoncer à l’indépendance nationale, on pouvait y arriver par un autre chemin, et qu’avant de se rejeter sur les Autrichiens, le Piémont avait un nouveau rôle à prendre : il devait aller ramener le grand-duc à Florence, le pape à Rome, rétablir partout un gouvernement constitutionnel, redresser en un mot le mouvement italien. De cette manière, le Piémont enlevait à l’Autriche une occasion d’intervention dans les affaires de la péninsule, il rassurait et se conciliait les princes restaurés, il regagnait les sympathies de l’Europe prête à l’abandonner, fatiguée de commotions, — et son œuvre accomplie il se trouvait dans de meilleures conditions, soit pour négocier avec le concours