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REVUE. — CHRONIQUE.

a été la retraite immédiate de M. Buffet, qui a pensé justement qu’il n’était ni de sa dignité ni de l’intérêt public d’attendre la réunion des chambres. M. Buffet est un parlementaire qui peut se tromper, il n’est pas de ceux qui défient une manifestation publique, et, après une lutte violente, sa retraite simplement accomplie a suffi pour détendre la situation. C’est M. Dufaure qui a pris la vice-présidence du conseil et qui est provisoirement chargé du ministère de l’intérieur. M. le marquis de Meaux suivra M. Buffet dans sa retraite, il garde la direction des affaires de son département jusqu’au moment où il sera remplacé. La question ministérielle ne sera définitivement tranchée qu’après les élections complémentaires du 5 mars, et il est vraisemblable qu’alors dans le cabinet reconstitué entreront, avec quelques-uns des ministres actuels, des hommes du centre gauche, qui ont été toujours des conservateurs, qui, en se prononçant pour la république, n’ont jamais admis que la république conservatrice. C’est la solution la plus naturelle, la mieux faite pour rassurer tous les intérêts, pour dissiper cette panique un peu factice qui a éclaté au lendemain des élections, comme si l’ordre était partout menacé, comme si un nouvel orage de révolution allait fondre aussitôt sur la France. Qu’on se rassure, il y a de la ressource, et la France n’est pas d’humeur à courir les aventures, même quand elle vote pour la république. Aujourd’hui comme hier, les garanties d’une politique sérieusement conservatrice restent les mêmes; elles sont dans la constitution, dans le pouvoir de M. le maréchal de Mac-Mahon, dans le sénat, dans le sentiment public, et contre ces forces concourant ensemble à maintenir la paix publique, l’autorité des lois, toutes les agitations ou les impatiences de parti resteraient encore impuissantes et stériles.

Des événemens heureux s’accomplissent aujourd’hui au delà des Pyrénées. Les chambres viennent de se réunir à Madrid, le régime constitutionnel recommence à vivre au moment où l’insurrection carliste expire sous les coups de l’armée royale dans les provinces du nord. L’Espagne retrouve avec la paix des institutions libérales, un parlement régulier, et ce double succès, qui complète heureusement la restauration alphonsiste, a d’autant plus de valeur qu’il est évidemment le prix d’une politique conduite depuis un an avec autant de dextérité et de sûreté que de prudence. Si tout arrive à point aujourd’hui, c’est que tout a été préparé patiemment, habilement, et le résultat donne jusqu’ici raison aux temporisations du gouvernement, qui s’était proposé avant tout de ne rien livrer au hasard, qui a voulu accomplir son œuvre politique et militaire dans les meilleures conditions possibles.

C’est il y a quelques jours à peine que la chambre des députés et le sénat récemment élus se sont réunis à Madrid, et le roi Alphonse XII a présidé lui-même à cette réintégration du régime constitutionnel. Le jeune souverain a fait sa première apparition dans les cortès et son premier