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REVUE. — CHRONIQUE.

sans doute, elles se succéderont, elles pourront être résolues avec mesure, dans un esprit de sage libéralisme, c’est le cours naturel des choses; mais la pire des politiques serait de se laisser aller à la manie des programmes tout faits proposant des mesures qui, en ressemblant à des satisfactions de parti ou à des engagemens de faction, ne tarderaient pas à offenser le sentiment public. Que les radicaux se fassent les promoteurs de l’amnistie, de la révision des procès de la commune, c’est déjà beaucoup qu’une proposition de ce genre puisse se produire cinq ans après que Paris a été souillé, incendié, ravagé par de sinistres bandits. Ce serait la plus coupable faiblesse politique de laisser transformer la clémence qui s’exerce tous les jours sans bruit en une sorte d’absolution rétrospective ou de réhabilitation du plus grand des crimes. Sait-on ce qui en résulterait aussitôt? On justifierait ceux qui affectent de confondre la république avec la commune. Les républicains sensés ne se prêteront pas à ces tentatives, qu’ils ne prennent même pas au sérieux : témoin ce petit dialogue tout récent entre un grand poète et un ancien ministre de l’instruction publique, l’un annonçant sa proposition d’amnistie, l’autre lui conseillant de la mettre en vers s’il veut qu’on l’écoute. Il y a des choses sur lesquelles il ne peut y avoir de difficulté, où il n’y a point de victoire de parti à poursuivre ; il y en a d’autres qui doivent être écartées résolument, si on ne veut pas laisser croire à une sorte de faiblesse pour tous les désordres.

Un autre danger est l’esprit exclusif, l’esprit de coterie ou de faction. Ce qu’il y a de plus sûr, de plus habile, c’est d’éviter tout ce qui ressemblerait à une domination de parti, de faire la république la plus large possible, ouverte à tout le monde. Les républicains ont une occasion toute naturelle de montrer leurs dispositions, c’est l’élection de M. le duc Decazes, qui va être soumis à un ballotage dans le VIIIe arrondissement de Paris. Depuis que sa candidature est née, M. le ministre des affaires étrangères a certes tenu le langage le plus net, le plus constitutionnel, le plus libéral, et si les républicains sont bien inspirés, ils suivront l’exemple de leur candidat, M. Victor Chauffour, qui a le bon esprit de se retirer; ils aideront au succès de M. le ministre des affaires étrangères contre son concurrent bonapartiste, M. Raoul Duval. Il y a d’autres élections où ils pourraient agir de même au ballotage du 5 mars. Un républicain de plus ou de moins ne sera rien, la nomination de M. Othenin d’Haussonville à Provins aurait l’avantage de faire rentrer dans l’assemblée un des jeunes membres du centre droit qui ont aidé à faire passer la république au 25 février. Malheureusement l’esprit de parti ou de coterie est tenace, et récemment encore les tacticiens républicains s’étonnaient qu’on vît un danger dans un excès de majorité ; ils se seraient même accommodés de l’unanimité, c’eût été tout à fait l’idéal. C’est bien là l’éternelle illusion des gouvernemens