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il a entendu les clameurs poussées par les soldats autrichiens. M. Snirç fournit toutes les explications qui peuvent lever les scrupules de l’officier, et nous traversons le second bras de la Unna sur ce pont de bois qui rappelle celui de Kostaïnicza. A quelque cent mètres s’élève la petite gare; je foule enfin le sol turc, à peu près sûr désormais d’arriver sans obstacle au cœur de la Bosnie. Toutes les sinistres prophéties des habitans des confins s’effacent de mon souvenir, comme les brouillards du matin se dissipent sous les chauds rayons d’un beau soleil d’automne.


III.

La voie ferrée qui part de Doberlin, au-dessus de Novi, pour aboutir à Bajnaluka, chef-lieu de ce district de la Bosnie, n’a guère plus d’une centaine de kilomètres. C’est un embranchement et le point extrême de ce grand réseau, parallèle au cours du Danube, qui doit aboutir à Constantinople en traversant la Bosnie, l’Herzégovine, l’Albanie et la Roumélie. Les deux amorces du nord et du midi sont seules exécutées. Dans l’ensemble du projet, qui est très vaste, et dont les événemens ajournent de plus en plus l’exécution, cet embranchement de Novi doit se relier aux chemins de fer de la Dalmatie par la Croatie turque, Knin et Demis, et aboutir à l’Adriatique, à Spalato. Le personnel administratif de cette ligne réside à Bajnaluka; il est presque entièrement composé d’Autrichiens. Le matériel est en parfait état, et provient des fabriques belges. On compte huit stations de Doberlin au chef-lieu : Novi, Podbérazani, Petkovac, Svodna, Pryédor, Kosarak et Ivanska; on ne constate pas un seul ouvrage d’art sur ce parcours de 103 kilomètres.

Si on considère que cette voie ne met en communication que ces villes nord de la Bosnie au lieu de relier l’intérieur de la province à la Save, cette grande voie d’eau qui aboutit au Danube, et par la Save à Sissek et à Agram, ce qui était l’esprit du tracé, on comprendra que cet embranchement n’est qu’une impasse et qu’il n’y a, pour l’administration qui l’a fondé et pour les capitalistes qui y sont engagés désormais, qu’un assez mince espoir de réussite. J’ai déjà dit que les trains ne partent que de deux jours l’un, ce qui simplifie bien le service; les gares et tous les bâtimens qui en dépendent ont cet aspect régulier et décent qui est le propre des grandes administrations allemandes; mais le personnel des voyageurs est tellement restreint, que chaque train n’emporte à l’ordinaire qu’une douzaine de personnes dont la plupart ne parcourent pas la ligne dans toute son étendue.