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réguliers et construits sur un plan d’ensemble; ils doivent dater du commencement du XVIIIe siècle.

Podové a un tout autre aspect; c’est un centre qui doit contenir 2,000 âmes. Les maisons crépies en blanc, suivant la mode des confins, et couronnées de hauts pignons de bois formant greniers pour les récoltes, s’étendent des deux côtés d’une large rue en pente qui mène à la haute ville. Toute la population appartient au rite orthodoxe; une chétive église en bois, pourvue d’un clocher de bois surmonté de la croix grecque et construite sur un tertre, domine toutes les habitations. Quand on entre à Podové par le promontoire de Korlat, on a la Unna à sa droite, et toutes les maisons qui bordent ce côté de la route ont une sortie sur de belles plaines baignées par le fleuve.

Malgré les circonstances, les garnisons de ces villes frontières sont très faibles; il n’y a pas plus d’une compagnie dans Podové, et c’est un capitaine qui y commande. Un escadron de uhlans, dont le quartier est vers Kostaïnicza, fournit les détachemens qui font les rondes nuit et jour de l’un à l’autre de ces corps-de-garde, dont la suite non interrompue le long de la frontière turque s’appelle le cordon. D’ailleurs ce service est identique sur les deux frontières, et de temps en temps on voit des petits détachemens de cavaliers bachi-bozouks défiler en suivant la rive opposée.

Quoique le gouvernement autrichien ait renoncé au système qui consistait à cantonner dans leurs pays respectifs les régimens qui y avaient été recrutés, ce sont cependant des Croates qui composent en ce moment la garnison de Podové. Par une décision empreinte d’un esprit très pratique, le capitaine commandant la compagnie que la ville fournissait au régiment auquel le rattachait l’institution des confins, est devenu le chef de l’administration civile. Cette application est générale, et l’autorité morale de l’ancien chef militaire vient corroborer partout celle du chef de la nouvelle organisation; les avantages qui résultent de cette disposition sont évidens; on n’a, dit-on, qu’à s’en louer.

Dans l’unique auberge de Podové se réunissent les officiers, le préteur ou chef du district civil, et tous les fonctionnaires qui représentent l’autorité ou l’administration centrales. A peine installé à Podové, ces messieurs m’accueillent, et leurs récits diffèrent peu de ceux que j’ai entendus à Kostaïnicza. L’état des esprits est très exalté dans cette partie de la frontière; ce sont les points où la Unna est guéable, ceux par conséquent choisis par les émigrans pour le passage du fleuve. La plupart des maisons abritent quelques réfugiés : les uns sont des commerçans riches et qui peuvent reconnaître l’hospitalité qu’on leur donne ; les autres, dénués de tout,