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à la station turque de Novi. Il y a deux bras, comme nous l’avons dit : le premier est international, le second coule entre deux rives turques et est réuni à la ville par un pont; quant au passage de Korlat à Novi, il est interdit; il faut que le mudir qui a l’autorité sur la rive opposée ait été avisé par le commandant militaire de Dvor. La seule barque qui puisse franchir le fleuve est celle qui porte le courrier de Vienne aux employés de l’administration du chemin de fer, et la clé est déposée au konah ou maison du gouvernement. Quelle que soit notre insistance, l’inspecteur ne peut rien pour nous, que nous offrir l’hospitalité jusqu’au moment où nous gagnerons Dvor, à une demi-heure d’ici. Dvor est le chef-lieu du district; là résident un officier supérieur et un agent du gouvernement civil.

Déçu dans mes projets, je me tiens un instant sur la passerelle d’un moulin. La ville de Novi apparaît avec ses maisons de bois et ses hautes mosquées ; elle s’étend sur les deux rives, et le fleuve l’enserre; la voie ferrée au départ suit le cours principal, qui se dirige vers Bihacz et limite la Croatie turque. Du point où je suis, je distingue nettement avec la lorgnette, à un quart de lieue de là, le train qui stationne devant la gare assise au pied des collines; la locomotive siffle, et le vent m’apporte le signal ironique qui nous annonce le départ du train pour Bajnaluka.


II.

Podové ou Dvor, où me voici contraint de m’arrêter au moins vingt-quatre heures, puisque les trains pour Bajnaluka ne partent de Novi que tous les deux jours, est un lieu de quelque importance par sa position stratégique. Aujourd’hui rendu à l’administration civile, Dvor appartenait, il y a quelques années à peine, aux confins militaires (Militär-Gränze], dont M. George Perrot a étudié ici même la curieuse organisation[1]. La ville se compose de deux parties, la haute ville et la basse ville; la première s’appelle Dvor (cour en idiome croate), en souvenir du séjour qu’y fit l’empereur François-Joseph. C’est la ville officielle; elle se compose d’une grande place carrée autour de laquelle s’élèvent tous les bâtimens publics, préture, commandement militaire, église, écoles, casernes, postes, télégraphes. Au moment où nous y entrons, une compagnie de soldats croates, au pantalon collant et à la veste blanche, fait la manœuvre dans un coin, tandis que des officiers exercent leurs chevaux dans un manège ouvert. Les bâtimens sont

  1. Les Confins militaires et leur législation. Voyez la Revue du 1er novembre 1869.