Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 14.djvu/164

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

comme des écoliers de bonne tenue; je demande quels sont ces jeunes lycéens, et l’on me répond que ce sont les enfans trouvés de l’hôpital dont on a changé la triste livrée de misère contre ce costume presque élégant. Comment s’est opéré ce changement? Est-ce par la seule action des mœurs du siècle, ou bien y a-t-il eu une discrète complicité du clergé lui-même pour mettre ces cérémonies populaires plus à l’unisson du ton du siècle et de ses préoccupations plutôt tournées vers les choses utiles que vers les choses d’imagination? Dans notre époque affairée et tiraillée avons-nous toujours le temps d’observer les transformations qui s’opèrent dans la religion? Nous en connaissons les principales, celles qui exigent des conciles et des assemblées; mais les plus menues révolutions, celles qui peuvent s’opérer et s’opèrent sans bruit, celles qui se glissent dans les croyances ou les pratiques presque à l’insu des fidèles, les remarquons-nous bien toutes? Dans cette Auvergne si catholique encore, par exemple, savez-vous que le culte des saints locaux est menacé? Il paraît qu’il y a dans l’église de cette province un parti puissant qui travaille, autant que son influence le lui permet, à diminuer le nombre des fêtes patronales; je n’ai pas pu vérifier par moi-même ce qui en est, mais pendant que j’étais à Clermont, j’en ai entendu des plaintes assez vives. Sans doute ce ne sont pas là des révolutions d’où dépendent les destinées des empires; cependant avec les institutions séculaires tous changemens ont leur importance, et rencontrant ceux-là sur notre route nous les notons en passant.

Il y a, paraît-il, à la cathédrale de Clermont, un sarcophage gallo-romain en marbre servant de maître-autel ; nous avons le regret de ne pas l’avoir remarqué, sans doute parce qu’on a commis l’erreur de le dorer et de lui donner ainsi une physionomie contemporaine qui aura détourné notre attention. Un autre sarcophage servant également de maître-autel dans la petite église des Carmes deschaux attenante au cimetière a vivement en revanche excité notre intérêt. Un travail curieux à faire, ce serait de chercher sur ces monumens gallo-romains quels sont selon les diverses régions les sujets religieux qui se répètent le plus fréquemment; on reconnaîtrait ainsi quelles parties du christianisme les ont plus particulièrement pénétrées et l’on saisirait souvent un des atonies rudimentaires qui ont formé la base de leur vie morale. Les procédés d’art et de composition des sculptures du sarcophage de l’église des Carmes sont les mêmes que ceux des sarcophages antiques; une longue file de personnages qui se succèdent sur un même plan; mais au contraire de ces derniers l’unité de composition manque, ou du moins s’est transformée; il est évident qu’il y a ici non pas