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et est entouré par une galerie circulaire flanquée de chapelles rayonnantes qui, se renflant à l’extérieur en forme de cul-de-four, se détachent ainsi de l’édifice principal et donnent parfois l’impression d’une nichée de petites églises qui semblent vouloir se blottir sous la protection de la mère qui les a couvées. Seulement ici il n’y en a que quatre, l’abside centrale manque, peut-être parce que, selon l’observation de Mérimée, l’église étant toute entière consacrée à la Vierge, on a jugé inutile cette chapelle qui d’ordinaire lui est réservée. Ici comme à Brioude, comme à Issoire, on peut observer cet élancement singulier des colonnes et des voûtes qui, sans égaler le vol des églises gothiques, s’en rapproche tellement qu’on peut dire qu’il l’annonce, le prépare, et en présente un premier essai ; en sorte que l’art roman des derniers siècles est beaucoup plus à l’égard de l’art gothique un précurseur qu’un vaincu, et que cette sublimité dont on aime à glorifier l’art gothique n’est à tout prendre qu’un legs que l’art roman lui a laissé à augmenter. C’est dans cet élancement que consiste la beauté principale de cette église, dont on peut dire que le corps en vaut mieux que les ornemens. Les chapiteaux historiés sont en très grand nombre, mais ils n’offrent pas en général l’intérêt que nous leur avons trouvé ailleurs. Comme travail d’art, ils sont bien loin de la perfection de ceux de Mozat et de Saint-Julien de Brioude, et comme naïveté populaire ils ne valent pas ceux de Saint-Nectaire et d’Issoire. Selon notre habitude nous avons essayé de les rapprocher pour en interpréter le sens et en découvrir la doctrine. Leur symbolisme singulièrement obscur et cependant sans profondeur ne dépasse pas le domaine de l’allégorie purement morale, telle qu’elle devint à la mode deux siècles plus tard avec le Roman de la Rose ; leurs personnages sont pour la plupart des vertus et des vices personnifiés sous la forme de chevaliers. Deux de ces chevaliers, figurant la Sagesse et la Charité, percent de leurs lances des démons terrassés ; deux autres, représentant, l’un la Charité, l’autre l’Avarice, se livrent un furieux combat. Le lien synthétique qui rattache ces scènes les unes aux autres n’est pas fort aisé à déterminer avec certitude ; je crois cependant qu’il faut le chercher dans une glorification de la Vierge, à qui l’église est consacrée. Tous ceux de ces chapiteaux en effet qui n’offrent pas un sens allégorique racontent simplement divers épisodes de la vie de la Vierge, — l’annonciation, la visite à Élisabeth, la promesse faite par l’ange à Zacharie de l’enfant qui sera le précurseur du fils de Marie, — à l’exception d’un seul qui représente la désobéissance d’Adam et d’Ève, et leur expulsion du paradis terrestre. N’est-ce pas l’antithèse théologique ordinaire entre le péché originel et la rédemption, entre le serpent qui souffle à Ève le conseil du mal et le dragon dont Marie est destinée à écraser la tête ? Dans