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ruelles d’un pied qui ne s’attarde pas on aperçoit des êtres humains qui vous regardent passer, ou qui vont et viennent à leurs occupations de métier ou de boutique sans manifester la moindre intention de s’enfuir. On me dit que l’opinion générale dans le Puy-de-Dôme est favorable au progrès; il me semble que, si j’avais l’honneur d’être Clermontois, tout progrès et même toute politique se résumeraient dans le désir de mettre fin à cette épouvantable infection, car avant de savoir si l’on vivra en république ou en monarchie, et lequel de ces deux gouvernemens est préférable, il faut savoir si l’on pourra vivre sans avoir à redouter le typhus ou la peste. Si jamais ville eut besoin d’être assainie, c’est bien l’ancienne capitale de l’Auvergne, et, si l’ex-préfet de la Seine ne parvient pas à rentrer dans la vie publique, il n’a qu’à se rendre à Clermont, il y trouvera ample besogne pour sa robuste volonté et son active initiative.

Si la ville est sans caractère, en revanche le pays environnant est admirable, en sorte qu’on peut dire de Clermont que c’est une scène médiocre encadrée dans un magnifique théâtre. Ce ne sont que montagnes, cependant nul panorama ne présente plus de variété et de contrastes. Ici, en montant du cimetière, des montagnes agrestes et sauvages, revêtues d’un vert pâle, faites à souhait pour les descriptions d’une poésie idyllique qui serait vraiment rustique; là au contraire, en suivant la route qui conduit à Gergovie, des montagnes riches de culture, touffues de forêts, parées de blanches maisons de campagne ressuscitent aux yeux le spectacle qu’elles présentèrent à l’époque romaine lorsqu’elles étaient chargées de villas somptueuses et de temples. Allez maintenant place de Jaude, en face de la longue rue qui mène à Chamalières et à Royat, quel admirable décor d’opéra! Les montagnes s’avancent sur la ville comme si elles voulaient en fermer l’accès soit pour la défendre, soit pour la tenir captive. De quelque côté enfin que l’on tourne les regards, le Puy-de-Dôme apparaît avec sa masse imposante, son épaule arrondie et sa crête altière, beau de sa force et de son volume, majestueux et réellement seigneurial d’aspect, véritable souverain du pays et faisant, où qu’on se place, reconnaître sa domination, toujours debout et présent pendant que les autres géans qu’il semble commander ou pousser en avant diminuent dans l’éloignement ou disparaissent sous les plis du terrain.

La plus ancienne église de Clermont est Notre-Dame-du-Port, qui doit son nom à un ancien marché dont elle occupe l’emplacement. Un saint la bâtit au VIe siècle, saint Avit; les Normands l’incendièrent, et un second saint, saint Sigon, la reconstruisit à la fin du IXe siècle. C’est une des plus belles églises romanes de l’Auvergne, où il y en a tant de remarquables. Il n’y faut chercher cependant ni la perfection accomplie de Saint-Paul d’Issoire, ni l’ampleur