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armes sous certaines conditions, et la première, on le pense bien, est la délivrance de Pétrobey. Le président refuse de rien entendre avant que les chefs de la révolte se soient rendus de leur personne à Nauplie. Ils arrivent, et, comme Giannis, les voilà pris au piège. Constantin et George sont gardés à vue dans la ville ; ils peuvent aller et venir, deux agens, qui ne les quittent pas, répondent de leurs actes. Cependant le prince de Maïna est toujours en prison. Ah ! c’est pousser trop loin le mépris de l’humanité. La vieille mère, l’auguste aïeule, va trouver l’amiral russe et lui demande justice. L’amiral intervient en effet ; le président, sur sa demande, accorde une entrevue à Pétrobey, et il est convenu que l’amiral y sera présent. L’amiral Ricord, inquiet des violences de Capodistrias, avait à cœur de terminer l’affaire. Le jour et l’heure sont fixés ; c’est le samedi 8 octobre. Précisément ce jour-là un journal de Londres, le Courrier, est remis au président ; il le parcourt et tombe sur un article où il est attaqué avec violence. Irrité par cette lecture, il refuse de recevoir Pétrobey. Le vieux chef, en faisant cette démarche auprès du président, s’était résigné à une humiliation ; c’est plus qu’une humiliation, c’est un outrage, puisque l’amiral est seul introduit chez le comte Capodistrias, et que Pétrobey Mavromichalis est ramené dans sa prison. Passant avec ses gardiens devant la maison où demeuraient son frère et son fils, Constantin et George, il les appela d’une voix tremblante. Ceux-ci parurent à la fenêtre : « Eh bien ! demandèrent-ils avec angoisses, quel a été le résultat de l’entrevue ? — Vous le voyez ! » répondit le vieillard, et il leur montra son escorte.

À bon entendeur, demi-mot. Cette scène presque muette disait tout ce qu’il fallait dire. Depuis quelques semaines, Constantin et George, indignés de la conduite du président, en étaient venus à penser que la répression de cette tyrannie insupportable exigeait des mesures suprêmes. Celui qui violait toute justice pour détruire les Mavromichalis se mettait lui-même hors la loi. Constantin et George l’avaient condamné à mort. Juges de ce tribunal secret, ils devaient être les exécuteurs publics de la sentence. Si l’entrevue avait eu lieu le 8 octobre et que Pétrobey fût sorti de chez le président avec des gages de réconciliation, Capodistrias était sauvé. Le mot jeté en passant sous les fenêtres de son frère et de son fils résonnait donc comme un signal ; il signifiait clairement « qu’à cette infâme manière moderne d’administrer la justice, il fallait opposer leur vieille procédure maïnotte[1]. »

On sait ce qui arriva le lendemain. C’était le dimanche 9

  1. Gervinus, t. XXII, p. 289, traduction de M. Minssen.