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comme des mystères. Je dirai seulement, devant quelques tableaux, les surprises, les plaisirs, les étonnemens, et non moins précisément les dépits qu’ils m’auront causés. En cela, je n’aurai qu’à traduire avec sincérité les sensations sans conséquence d’un pur dilettante.

Il n’y aura, je vous en avertis, ni méthode aucune, ni marche suivie dans ces études. Vous y trouverez beaucoup de lacunes, peu d’équilibre, des préférences et des omissions, sans que cela préjuge rien de l’importance ou de la valeur des œuvres dont je n’aurais pas parlé. Je me souviendrai quelquefois du Louvre et ne craindrai pas de vous y ramener, afin que les exemples soient plus près de vous et les vérifications plus faciles. Il est possible que certaines de mes opinions jurent avec les opinions reçues. Je ne cherche pas, mais je ne fuirai point les révisions d’idées qui naîtraient de ces désaccords. Je vous prie de n’y pas voir la marque d’un esprit frondeur, qui viserait à se singulariser par des hardiesses, et qui, parcourant, le dernier, des chemins battus, craindrait qu’on ne l’accusât de n’avoir rien vu, s’il ne voyait pas tout à l’envers des autres.

Au vrai, ces études ne seront que des notes, et ces notes les élémens décousus et disproportionnés d’un livre qui serait à faire. Ce livre devrait être plus spécial que ceux qui ont été faits jusqu’à présent. On y parlerait moins de philosophie, moins d’esthétique, la nomenclature et les anecdotes y tiendraient moins de place, les questions de métier beaucoup plus. Ce serait comme une sorte de conversation sur la peinture, où les peintres reconnaîtraient leurs habitudes, où les gens du monde apprendraient à mieux connaître les peintres et la peinture. Pour le moment, ma méthode est d’oublier tout ce qui a été dit sur ce sujet ; mon but serait de soulever des questions, de donner l’envie d’y réfléchir, et d’inspirer à ceux qui seraient capables de nous rendre un pareil service la curiosité de les résoudre.

J’intitule ces pages les Maîtres d’autrefois, comme je dirais des maîtres sévères ou familiers de notre langue française, si je devais parler de Pascal, de Bossuet, de La Bruyère, de Voltaire ou de Diderot, — avec cette différence, qu’en France il y a des écoles où l’on pratique encore le respect et l’étude de ces maîtres stylistes, tandis que je n’en connais guère où l’on conseille à l’heure qu’il est l’étude respectueuse des maîtres toujours exemplaires de la Flandre et de la Hollande.

Je suppose d’ailleurs que le lecteur à qui je m’adresse est assez semblable à moi pour me suivre sans trop de fatigue, et cependant assez différent pour que j’aie du plaisir à le contredire, et que je mette quelque passion à le convaincre.