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dans le VIIIe arrondissement. La candidature lui a été offerte par un comité composé d’hommes sérieux et actifs, et certes le commerce, l’industrie de ce quartier de Paris, ne peuvent mieux faire que d’assurer le succès du ministre qui depuis deux ans dirige les affaires étrangères de la France avec habileté, avec un soin vigilant pour la paix. L’élection de M. le duc Decazes aurait la valeur d’une sorte de manifestation pacifique de Paris. M. Vautrain est un autre candidat modéré dans le IVe arrondissement ; mais quoi ! M. Vautrain rencontre sur son chemin M. Barodet, qu’un radicalisme bruyant lui oppose.

Ainsi voilà un homme qui a rempli, il y a vingt-cinq ans déjà, une magistrature municipale dans le quartier, qui a rendu de réels services aux heures les plus difficiles, en 1848, puis pendant le siège, qui dans l’intervalle est resté absolument indépendant de l’empire, fidèle alors comme aujourd’hui à une république sage, éclairée : ce que les radicaux du IVe arrondissement ont trouvé de plus piquant, de plus naturel, c’est de susciter à ce galant homme la concurrence d’un étranger qui n’a d’autre titre que d’avoir eu un jour la baroque et plaisante fortune d’être préféré à M. de Rémusat, de contribuer à la chute de M. Thiers et de pousser la république dans le guêpier du 24 mai ! Ils combattent M. Vautrain comme ils combattent M. Decazes, comme ils combattraient M. Thiers lui-même, s’ils l’osaient. Croyez bien que pour eux il n’y a pas beaucoup de différence entre un simple modéré constitutionnel et M. le baron Haussmann, qui relève le drapeau de l’empire dans le Ier arrondissement. Réussiront-ils ? Ce n’est point impossible, puisque dans certains quartiers ils sont sans concurrens et que dans d’autres la lutte est entre radicaux plus ou moins nuancés. Ils réussiront toujours trop ; et c’est là un de ces succès d’excentricité révolutionnaire qui sont aussi compromettans, aussi dangereux pour Paris lui-même que pour la république.

S’il y a en France une ville qu’on devrait respecter et faire respecter, c’est Paris, la cité du siège, la ville qui a été un jour la citadelle de l’indépendance nationale et qui pendant cinq mois a supporté faim et mort sans faiblir. Comment se fait-il que ce sentiment de respect existe si peu, que le nom de Paris excite si souvent la défiance, une inquiétude jalouse dans les provinces, et, pour tout dire, que le séjour du gouvernement, des assemblées à Versailles soit une de ces choses qui ne semblent ni extraordinaires ni injustes ? C’est que Paris n’a pas été seulement la cité du siège, il a été la ville des séditions, des révolutions et surtout de la dernière, de la plus criminelle insurrection, de celle qu’il faudrait oser à peine nommer, parce qu’elle a été un attentat contre l’honneur national. Que font les radicaux ? Ils se plaisent à exagérer tout ce qui rend la grande ville suspecte. Ils parlent comme si rien ne s’était passé, comme s’ils ne marchaient pas au milieu des