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toutes les circonscriptions parisiennes ; il a eu la modestie de se borner à accepter la candidature dans deux arrondissemens. Il y a quinze jours déjà que Paris a l’agrément de ces glorieuses représentations, qui n’ont sûrement rien de nouveau, qui ont leur histoire écrite dans la comédie grecque.

Si Aristophane assistait aux réunions électorales, il s’écrierait encore : « Voilà qui est parler ! ah, bienfaiteur du genre humain, continue… Tu tiens ton homme, ne le lâche pas ; avec de pareils poumons, tu auras bientôt fait de l’achever… » Il reconnaîtrait Cléon et les autres. « L’orge » et « les galettes » offertes au bon peuple, ce sont les programmes. Il y en a de toute sorte. Il y a le « programme Laurent Pichat, » le programme Accolas, sans parler de celui de M. Victor Hugo, que, par un heureux euphémisme, l’auteur se dispense de définir en assurant qu’il est le plus large de tous. Le minimum à tout événement, c’est le « programme Laurent Pichat, » l’amnistie pour les insurgés de la commune, la séparation de l’église et de l’état, l’instruction laïque et obligatoire, la réforme des impôts sur le travail, l’abolition du volontariat militaire… etc. D’autres y ajoutent l’abolition d’un certain nombre de choses telles que la constitution, le sénat, la présidence, le gouvernement, les préfets et le gendarme ! La palme est à celui qui va le plus loin. Si M. Spuller, candidat de M. Gambetta, a l’air d’hésiter et de se prêter aux transactions, M. Bonnet-Duverdier le serre de près et se dresse en concurrent devant lui. Le malheureux colonel Denfert, qui a eu la singulière idée de prendre sa retraite comme soldat et de se jeter dans ces bagarres, a été vu d’assez mauvais œil pour avoir fait quelques réserves sur la séparation de l’église et de l’état comme sur l’amnistie, et pour avoir avoué qu’il n’avait pas ses idées encore bien fixées sur la suppression des impôts. Voilà comment les choses se passent, et comment Paris se trouvé en possession d’un certain nombre de candidats modèles de radicalisme, M. Clemenceau, M. Floquet, l’inévitable Floquet, M. Lockroy, — et M. Barodet, l’illustre M. Barodet, — sans oublier tous les conseillers municipaux, qui trouvent naturellement que la députation leur est bien due !

Qu’en sera-t-il de tout ce mouvement parisien, auquel la population, il faut le dire, ne prend pas une part bien vive ? Sans doute, il y a heureusement d’autres candidats de diverses nuances mieux faits pour répondre aux nécessités du moment et de la situation du pays. M. Thiers se présente dans le IXe arrondissement, et son élection ne semble pas douteuse, dès qu’il a cru devoir solliciter les suffrages des Parisiens après avoir été élu sénateur à Belfort. Il n’est pas besoin de dire que M. Thiers, tout républicain qu’il soit, ne s’est pas donné la peine de recevoir ceux qui se proposaient de lui porter le « programme Laurent Pichat. » M. le duc Decazes, lui aussi, accepte courageusement la lutte