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Les cultivateurs sont surtout excités à mieux soigner leurs animaux, depuis les facilités de vente apportées par le développement du réseau des chemins de fer. Sous cette influence, chaque contrée s’est vue, comme à son insu, entraînée vers la production spéciale la plus convenable à son climat et à son sol. L’élève du mouton l’a emporté dans certaines régions, tandis que la race bovine prédomine de plus en plus dans d’autres localités. Il s’est même établi des distinctions pour cette race ; ainsi certains pays, particulièrement ceux de montagne, se sont spécialisés plus qu’autrefois pour l’élevage des jeunes animaux, qui sont vendus vers l’âge de deux ans pour les travaux de la plaine. Transportés sur un terrain plus fertile, et soumis à une alimentation plus nourrissante, ces animaux acquièrent en travaillant un développement plus considérable que celui qu’ils auraient atteint avec de plus maigres fourrages. Quand ils sont parvenus à leur complète croissance, ces mêmes bœufs sont dirigés vers les contrées aux gras pâturages, où ils sont soumis à un rapide engraissement. Depuis que ces contrées peuvent s’approvisionner facilement d’animaux tout formés, elles ont graduellement renoncé à l’élevage, qui peut s’opérer plus économiquement dans les pays de moindre fertilité.

Au moyen des chemins de fer, il s’est donc établi une sorte de division du travail dans la production agricole, en ce qui concerne la race bovine. Certains pays, tels que le centre de la France, encore très pauvres hier, se sont rapidement élevés à un état de notable aisance, par le développement que l’exportation de leurs jeunes animaux a pris dans ces dernières années. D’autre part, les contrées que leur nature prédispose plus à la culture des céréales qu’à celle des fourrages, n’ont plus à se préoccuper de la production de leurs animaux de travail, pour laquelle elles manquaient complètement de facilités. Dans ces nouvelles conditions, la population bovine de la France tend à prendre un développement dont elle aurait été incapable, si chaque pays était resté dans l’ancienne nécessité de faire naître, de faire croître et d’engraisser son propre bétail. La production agricole ne saurait faire exception aux lois de la division du travail qui régissent les autres branches de l’industrie humaine.

Malheureusement cette bienfaisante spécialisation se manifeste moins dans la production chevaline, qui est devenue depuis la guerre le sujet des plus vives préoccupations, à cause des intérêts les plus graves qui s’y rattachent. Ce n’est point une simple affaire d’économie pour les acheteurs et de gain pour les producteurs qui est ici en jeu, comme pour les autres industries agricoles. Notre agriculture doit s’efforcer de produire un plus grand nombre de chevaux, pour la sauvegarde même de notre nationalité sans cesse menacée. Le développement de la production chevaline est en effet une des nécessités de la réorganisation de notre armée de défense. Il faut bien plus de chevaux qu’autrefois pour