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population. Dans ces régions, les cultivateurs sont à proximité des ateliers de réparation et des dépôts de charbon : les routes sont en général assez bonnes pour le déplacement des locomobiles ; le prix de la main-d’œuvre y est toujours plus élevé qu’en rase campagne, où le manque de capitaux, les difficultés des communications et les moindres facilités pour la vente des produits imposeront longtemps encore des procédés de culture plus simples.

Mais il est d’autres machines également d’origine anglaise, telles que les faucheuses et les moissonneuses, qui se sont répandues chez nous avec une rapidité étonnante dans un pays où le morcellement du sol prédispose peu à l’emploi d’engins coûteux. Il s’est même fondé en France plusieurs usines importantes exclusivement consacrées à la fabrication de ces machines, qu’elles construisent avec une perfection ne laissant rien à envier aux produits anglais ou américains. Néanmoins l’importation des instrumens de provenance étrangère est encore considérable chez nous. Nos constructeurs doivent donc s’efforcer de l’emporter sur leurs concurrens par l’excellence de leurs outils comme par la réduction de leurs prix, d’autant plus que les produits étrangers ont à supporter des frais de transport et des droits de douane très élevés. Avec quelques efforts de la part de nos fabricans, la construction du matériel agricole peut devenir l’une des branches les plus prospères du travail national.

Si le labourage à vapeur est destiné à soulager l’excès de fatigue des animaux, le fauchage et le moissonnage mécaniques sont surtout appelés à adoucir la trop grande peine de l’homme. C’est de grand matin, bien avant le jour, que le cultivateur s’arme de la faux ou de la faucille et se rend au travail ; saisi d’abord par une fraîcheur et une humidité pénétrantes, il reçoit bientôt les rayons du soleil, dont rien ne l’abrite, quand il s’épuise par les efforts musculaires les plus violens. Le labeur continue jusqu’à la fraîcheur du soir, parfois meurtrière pour sa poitrine baignée de sueur. Le plus souvent sa nourriture n’est pas assez substantielle pour réparer l’épuisement causé par ces travaux toujours exécutés au milieu d’une sorte de surexcitation morale. Il en résulte des maladies qui, suivant les prédispositions locales, prennent le caractère de fluxions de poitrine, de fièvres intermittentes ou typhoïdes, maladies qui déciment cet autre soldat sur son champ de bataille, et dont la crainte est l’une des causes de la désertion des campagnes. En rachetant l’homme de ses plus durs travaux, les faucheuses et les moissonneuses procureront une bienfaisante amélioration dans la santé publique à la campagne. À ce point de vue, l’économie qu’elles peuvent apporter est vraiment incalculable.

Préoccupée de la diffusion des machines par voie d’entreprise, la Société des agriculteurs a fondé en 1874 un prix de 1,000 francs et des