Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/940

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Les avantages et les difficultés de la culture à vapeur ont été sérieusement discutés dans les réunions de la Société des agriculteurs de France. En réduisant dans les exploitations le nombre des bêtes de trait, la vapeur réserve une plus large part aux animaux de rente ; chaque kilogramme de charbon brûlé pour la préparation du sol équivaut à une certaine quantité de fourrage dont on peut disposer pour des bœufs ou des moutons destinés à l’alimentation publique.

A un autre point de vue, la vapeur a l’incontestable mérite de fournir, comme sans effort, des labours profonds que l’on ne peut obtenir des animaux qu’au prix d’une lenteur extrême et d’une fatigue excessive pour les conducteurs, aussi bien que pour les attelages. Énergiquement fouillée et ameublie jusque dans le sous-sol, la terre se dessèche moins au soleil et s’engorge moins d’humidité ; elle donne de plus riches récoltes. Certes, si tous nos champs de France pouvaient obtenir graduellement la perméabilité à l’air, à la chaleur et à la lumière que donne la culture à vapeur, la production agricole s’en trouverait accrue dans d’incalculables proportions. Comme rapidité d’exécution, les appareils les plus puissans peuvent cultiver profondément quatre hectares par jour, et travailler superficiellement une étendue plus que double de celle-là, tout en n’exigeant que quatre hommes pour la manœuvre des outils ou l’approvisionnement des moteurs. Il est constaté que, pour exécuter un semblable travail dans un même temps, il faudrait au moins dix charrues des plus fortes, chacune étant conduite par deux hommes et attelée de quatre chevaux les plus vigoureux. Deux locomobiles et quatre ouvriers font donc le labeur de vingt laboureurs et de quarante forts chevaux. Dans ces conditions, il est possible de donner aux opérations agricoles une célérité inconnue jusqu’à nos jours. Les labours, les hersages, les semailles peuvent ainsi s’exécuter en temps opportun, moins exposés aux risques de mauvais temps que la culture traînant en langueur avec des moyens impuissans.

Ces contrariétés du temps sont d’autant plus grandes que le climat d’une contrée est moins beau. Dans le midi de la France, on peut profiter des magnifiques et lumineuses journées qui y sont si nombreuses, pour confier au sol la semence, espoir du laboureur ; mais la période propice est déjà moins longue dans le nord de notre pays ; elle se trouve encore raccourcie plus près du pôle. La culture à vapeur donne donc à l’homme une sécurité plus grande pour la production de sa nourriture, éternel sujet d’angoisses pour lui ; en cela, elle marque un nouvel et important triomphe dans la lutte incessante qu’il soutient contre la nature, cette dure mère qui n’accorde ses dons qu’au labeur opiniâtre de ses enfans.

Les difficultés de cette culture sont en proportion de ses avantages. Un appareil ordinaire rendu d’Angleterre en France, coûte environ 40,000 francs. L’amortissement d’un tel capital, qui doit être réalisé