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redoute et sabrent les canonniers terrifiés. Il est à regretter que l’exécution de l’œuvre soit trop lâchée. Si cette bataille, qu’on reconnaît tout de suite pour la bataille de la Moskowa, parce que Bellangé a su mettre en scène l’épisode saillant et décisif de cette grande action de guerre, avait été peinte par un vrai peintre, ce serait un des chefs-d’œuvre de la peinture de batailles.

Les nombreuses campagnes du second empire mirent fort à la mode les tableaux militaires. Combien qui saisirent le pinceau aux échos du canon de la Crimée, de la Kabylie, de l’Italie, de la Chine et du Mexique ! Combien de batailles et d’épisodes militaires, depuis la Prise de Malakof, d’Adolphe Yvon, jusqu’à la Bataille de Solferino, de Meissonier, depuis les Francs-tireurs, de Beaucé, jusqu’à l’Embuscade de chasseurs, d’Armand Dumaresq, depuis le Débarquement en Crimée, de Pils, jusqu’à l’Attaque du Mamelon vert, de Hersent. La Bataille d’Inkermann a révélé chez Gustave Doré une vive entente de la composition d’une bataille. Le jeune peintre a représenté la prise de la redoute des sacs à terre, opiniâtrement défendue par les Russes. Au premier plan, les zouaves s’avancent au pas de course contre la position ennemie. Au second et au troisième plan, occupés à gauche par l’état-major des généraux Canrobert et Bosquet, deux autres colonnes de troupes, Anglais et tirailleurs indigènes, s’élancent à l’assaut de la redoute. Un peloton de turcos qui l’a déjà escaladée y livre aux fusiliers et aux artilleurs ennemis un terrible combat, effroyable tuerie où l’on s’étreint corps à corps et où. l’on risque fort de mourir étouffé si les baïonnettes vous épargnent. M. Protais, dont les deux tableaux Avant le combat, Après le combat, sont devenus populaires, n’a peint le plus souvent que des épisodes d’une campagne. Il connaît bien le soldat, avec lequel il a vécu côte à côte en Crimée. Ses troupiers sont à l’ordonnance et pittoresquement campés ; on ne peut que leur reprocher un petit air sentimental qui séduit les âmes sensibles, mais qui n’est nullement dans le caractère du soldat français. Dans la Bataille de Solferino, M. Meissonier a montré au premier plan l’empereur et son état-major regardant la bataille ; au loin, on pourrait dire à la cantonade, des lignes d’infanterie qui marchent contre les positions ennemies.

Isidore Pils et Adolphe Yvon personnifient la peinture de batailles sous le second empire. L’exposition ouverte ces jours derniers nous permettra d’étudier plus en détail l’œuvre de Pils. Pour M. Yvon, chacun connaît, soit par l’original, soit par les gravures qui en ont été faites, la Prise de la tour Malakof. Conçue un peu à la façon de la Prise de la Smala, cette toile, avec ses divers groupes étages en amphithéâtre, a le défaut de rappeler quelque vaste panorama.