Page:Revue des Deux Mondes - 1876 - tome 13.djvu/832

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cette question de la régence, lui avait fait perdre beaucoup de terrain, et George crut le moment favorable pour se débarrasser des longues dissertations de Grenville, qui, tout en soutenant la politique du roi, l’avait blessé au cœur, en refusant d’inscrire le nom de la reine-mère dans l’acte de la régence. Après des essais infructueux de confier les affaires à Pitt, le roi, ne pouvant plus supporter les insolences de Grenville et de Bedford, chargea le marquis de Rockingham, le chef du jeune parti whig, de former un ministère. Shelburne fut sollicité d’en faire partie ; mais il répondit que sa présence au ministère serait plus nuisible qu’utile aux intérêts de sa majesté, et que sa ligne de conduite à l’endroit du nouveau cabinet était tout entière dans ces mots : « les mesures et non les personnes. « Il tint parole en effet, et il contribua par un discours très énergique au rappel de l’acte du timbre, mais il est des victoires qui sont funestes à ceux qui les remportent : tel fut le cas pour lord Rockingham. L’opinion publique était persuadée qu’il n’avait consenti à faire rapporter l’edit du timbre que sur les objurgations de Pitt, et réclama hautement que le grand député fût placé à la tête du ministère. Rockingham courba la tête sous l’orage ; il essaya d’entrer en négociation avec Pitt et de traiter avec lui sur le pied d’égalité. Le roi détestait ces ministres qui avaient conservé leur indépendance et n’avaient pas voulu servir sa politique personnelle ; il s’empressa de profiter de la défaveur qui s’attachait à leurs derniers actes pour les remercier et s’adresser à Pitt. Il comptait sur son influence pour désorganiser tout le parti libéral et laisser libre carrière à la prérogative royale. Pitt cependant ne se laissa pas dicter le choix de ses collègues par le caprice du roi ; tout courtisan obséquieux qu’il fût, il conserva son droit d’initiative, et en juillet 1766 il appela au poste de secrétaire d’état Shelburne, malgré le déplaisir très vif de sa majesté, qui n’oubliait pas la conduite passée de ce jeune ministre.

Nous laissons lord Shelburne au comble de ses vœux ; le second volume de lord Fitzmaurice nous promet des détails inédits sur le rôle du parti whig pendant la révolution française et nous introduira dans la société dont Bowood était le centre, au milieu des Priestley, des Price et des Bentham.

Cette histoire du parlement anglais au jour la journée, qui nous conduit derrière la scène et nous montre tous les ressorts du drame qu’on applaudit d’en bas, est implacable pour toutes ces théories majestueuses qui prétendent nous expliquer la solidité du régime monarchique en Angleterre et l’irrémédiable fragilité de cet établissement dans notre pays. On insiste d’ordinaire sur le loyalisme de l’Anglais, sur ce sentiment de fidélité et de respect qui l’attache