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que le bill n’était ni sage ni nécessaire, il montra que le roi était exposé, comme toute autre personne, à se tromper, et tout particulièrement dans les questions qui touchaient à ses intérêts ou à ceux de sa famille ; puis il revendiqua fièrement les droits du parlement, qui ne peut pas être réduit à la simple fonction d’enregistrer les vœux de la couronne, et il continua en ces termes :


« Le parlement actuel ne me paraît pas avoir le droit de faire des lois qui lieront les parlemens futurs, et précisément sur les points qui n’intéressent que l’avenir, à moins que sa sagesse et son pouvoir ne soient tels qu’il puisse découvrir les événemens qui ne sont pas encore nés, ou arrêter le cours des affaires humaines. S’il n’a pas ce pouvoir, comment pouvez-vous croire que l’avenir fera le sacrifice de ses droits particuliers ? Et quel rôle fait-on jouer au parlement ? Sauf les personnes de La famille royale, tous les autres membres du conseil de régence sont abandonnés au choix du roi : le nom même du régent est jusqu’ici inconnu et par conséquent ne peut pas être approuvé. Les dix grands officiers de l’état seront ceux qui se trouveront en fonction au moment de la mort, or il se peut que ces dix personnages soient les plus dangereux de tout le royaume et que, tout en étant des instrumens utiles entre les mains d’un roi sage et tenant le gouvernail, ils soient de leur personne tout à fait méprisables sous le double rapport de la moralité et de l’intelligence, et, si c’est le cas, la nation pendant une minorité peut être gouvernée par les hommes les plus incapables, à l’exclusion de ceux qui occupent le premier rang et qui possèdent la fortune, le mérite, les talents et toutes les capacités. À ces objections, on opposera comme un argument irréfutable la haute sagesse du roi ; mais voilà une argumentation qui n’est pas parlementaire : c’est le langage des esclaves, non des hommes libres. La sagesse du roi peut être un motif allégué dans, le privé ; ce ne doit jamais être un argument à produire en public. Quand le salut de l’état est en jeu, il faut supposer que tous les hommes sont faillibles. Bien plus, nous ne devons pas oublier que cette nomination du régent et du conseil de régence sera probablement le dernier acte de sa majesté, alors que la vieillesse et les infirmités auront affaibli son esprit, et que l’intrigue pourra être toute-puissante. Passe encore si cette loi ne devait pas produire d’autre mal qu’une mauvaise administration pour une courte période ; mais ce qu’il y a de plus à craindre, c’est que le mépris, le ressentiment, la violence, ne l’emportent après, et que l’autorité légale d’une pareille régence ne soit ouvertement bravée ! »


Ces argumens n’eurent pas de succès auprès d’une assemblée que le roi avait intimidée ou séduite ; à la votation, six pairs seulement se levèrent avec Shelburne. La conduite du ministère, dans