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rappelle avoir vu chez vous un tableau qui représente un Hottentot retournant dans les bois rejoindre ses compagnons d’enfance et jetant derrière lui tous les beaux habits de la civilisation. Je ne me compare pas tout à fait à lui, car je retourne vers un peuple très sociable et très civilisé. Seulement je veux indiquer par cette allusion que la force de l’habitude finit par rendre tout à fait impropre au commerce du grand monde un savant voué à l’étude et à la retraite, et que c’est une preuve de sagesse de fuir le monde, quand l’âge vous a fait de cette habitude une seconde nature. »


De cette société, Walpole ne faisait pas partie ; il poursuivait même celui qui en était le centre et le chef d’une haine profonde, autant du moins que sa nature légère le permettait. Il était de la même trempe que cet Écossais qui, pendant la plus grande partie de sa vie, était convaincu que son frère et lui étaient les seuls membres de l’église visible, et qui vers la fin commença d’avoir des doutes sur la fidélité de son frère. Walpole avait cru trop longtemps que « le général Conway et lui étaient les seuls qui eussent de l’intelligence et de la moralité ; mais, vers la fin, il n’avait plus la même confiance dans le général. »


Au commencement de l’année 1765, Shelburne épousa lady Sophia Carteret, la fille de lord Grenville, dont la beauté, dit Walpole, ne ressemblait à aucune autre. M. Disraeli a supposé que cette alliance n’avait pas été étrangère aux appréciations et aux sympathies politiques de Shelburne. Quoi qu’il en soit, sur le chapitre des vieux whigs, Shelburne était bien à l’unisson avec son beau-père, qui avait eu à souffrir plus d’une fois dans sa carrière de leur étroitesse et de leur esprit de camaraderie. Par une étrange coïncidence, ce fut pendant que Shelburne se mariait que se traita au parlement cette grosse question de l’acte du timbre, qui devait exercer une influence capitale sur toute sa carrière politique. Il ne put assister que de loin à ces mémorables débats et féliciter son ami Barré, qui avait eu l’honneur de prononcer un de ces mots qui sont le lendemain populaires et ne s’effacent plus de la mémoire de ceux dont ils ont traduit les sentimens. Il avait appelé les Américains les fils de la liberté.

Le roi donna pour la première fois en 1765 des signes de cette affection mentale qui se développa dans la suite et fut connue sous son vrai nom. Préoccupé lui-même, dans l’intérêt de sa dynastie, des conséquences que pouvait avoir cette maladie, il rédigea de sa main un projet de loi de régence, qui lui faisait la part du lion. Lord Shelburne se fit un grand honneur en attaquant vigoureusement le bill dans la chambre des lords. Après avoir déclaré