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une intimité plus chaude et plus invitante, — tandis que chez Terburg les choses se passent avec moins de cachotterie ; la vraie lumière est partout, le lit est à peine dissimulé par la couleur sombre des tentures, le modelé est dans son naturel, ferme, plein, nuancé de tons simples, peu transformés, seulement choisis, de sorte que couleur, facture, évidence du ton, évidence de la forme, évidence du fait, tout est d’accord pour exprimer qu’avec de tels personnages il ne doit y avoir ni détours, ni circonlocutions, ni demi-teintes. Et considérez que chez Pierre de Hooch comme chez Metzu, chez le plus renfermé comme chez le plus communicatif de ces trois peintres fameux, vous distinguerez toujours une part de sentiment qui leur est propre et qui est leur secret, une part de méthode et d’éducation reçue qui leur est commune et qui est le secret de l’école.

Trouvez-vous qu’ils colorent bien tout en colorant l’un plutôt en gris, l’autre plutôt en brun et en or sombre ? Et jugez-vous que leur coloris n’a pas plus d’éclat que le nôtre tout en étant plus sourd, plus de richesse tout en étant plus neutre, plus de puissance et de beaucoup tout en contenant moins de forces visibles ? Quand par hasard vous apercevez dans une collection ancienne un tableau de genre moderne, fût-il des meilleurs et sous tous les rapports des plus fortement conçus, passez-moi le mot, c’est quelque chose comme une image, c’est-à-dire une peinture qui fait effort pour être colorée et qui ne l’est point assez, pour être peinte et qui s’évapore, pour être consistante et qui n’y parvient pas toujours ni par sa lourdeur quand elle est épaisse, ni par l’émail de ses surfaces lorsque par hasard elle est mince. A quoi cela tient-il ? car il y a de quoi consterner les hommes d’instinct, de sens et de talent qui peuvent être frappés de ces différences ? Sommes-nous beaucoup moins doués ? Peut-être. Moins chercheurs ? Tout au contraire. Nous sommes surtout moins bien élevés. Supposons que, par un miracle qui n’est pas assez demandé et qui, fût-il imploré comme il devrait l’être, ne s’accomplira probablement jamais en France, un Metzu ou un Pierre de Hooch ressuscite au milieu de nous, quelle semence il jetterait dans les ateliers et quel généreux et riche terrain il trouverait pour y faire éclore de bons peintres et de belles œuvres. Notre ignorance est donc extrême. On dirait vraiment que l’art de peindre est depuis longtemps un secret perdu et que les derniers maîtres tout à fait expérimentés qui le pratiquèrent en ont emporté la clé avec eux. Il nous la faudrait, on la demande, personne ne l’a plus ; on la cherche, elle est introuvable. Il en résulte que l’individualisme des méthodes n’est à vrai dire que l’effort de chacun pour imaginer ce qu’il n’a point appris ; que dans certaines habiletés pratiques on sent les laborieux expédiens d’un esprit en peine ; et que presque toujours la soi-disant originalité des procédés modernes cache au