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professeur Rutimeyer de Bâle, a été même conduit par ses études à considérer tous les systèmes de première dentition appelée dentitions de lait comme ataviques ou héréditaires et les dentitions définitives comme acquises ultérieurement. Issus des sauriens ou lézards munis de deux poumons, les serpens n’en ont qu’un seul qui se prolonge dans le ventre, mais au sommet de ce poumon unique on découvre une petite masse avortée qui représente l’autre poumon.

Ces organes rétrospectifs sont en général rudimentaires et sans usage. L’homme lui-même n’en est pas dépourvu, et je suis forcé de le citer, parce qu’il sait par son expérience personnelle que ces organes ne lui sont d’aucune utilité. Il porte sur sa poitrine les traces des mamelles qui ne se développent et ne fonctionnent que chez la femme. Ces traces sont une réminiscence éloignée de l’hermaphroditisme qui caractérise les animaux inférieurs. Parmi les muscles, ceux de l’oreille, incapables de la faire mouvoir, représentent exactement ceux qui impriment des mouvemens si rapides et si variés à l’oreille du cheval et de l’âne. Le muscle peaucier, au moyen duquel ces quadrupèdes impriment à leur peau des secousses vibratoires pour chasser les mouches qui l’incommodent, existe également sur les parties latérales du cou de l’homme, mais il est incapable de mouvoir la peau et reste par conséquent sans usage. Je citerai encore le plantaire grêle, auxiliaire inutile des muscles puissans du mollet, mais dont la rupture donne lieu à l’accident connu sous le nom de coup de fouet. Mince et sans force chez l’homme, ce muscle est très développé chez les chats ; aussi est-il le principal agent des sauts prodigieux qu’ils exécutent pour atteindre leur proie. Les muscles pyramidaux, réminiscence des muscles qui ferment la poche des marsupiaux, nous reportent aux mammifères inférieurs. La caroncule lacrymale est une trace de la troisième paupière des reptiles et des oiseaux, le coccyx un rudiment de queue, l’appendice vermiforme de l’intestin grêle le cæcum des rongeurs réduit à la grosseur d’un tuyau de plume. La science compte déjà plus de vingt cas authentiques dans lesquels un grain de sable ou un pépin de raisin pénétrant dans cet étroit cul-de-sac ont amené une péritonite suivie de mort. Ainsi donc la série animale comme la série végétale nous offre une foule d’exemples d’atavisme, c’est-à-dire d’organes avortés sans usage pour l’espèce qui les présente, mais qui, bien développés, fonctionnaient utilement chez d’autres espèces moins élevées dans la série. Ces réminiscences sont des preuves inattaquables en faveur de la continuité de la création et de la théorie de la descendance.

Depuis peu de temps, les anatomistes sont entrés dans une autre voie qui a déjà conduit à des résultats importans et confir-