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surnaturelles : destinée, nature ou providence, dont les décrets sont souverains et impénétrables. Cette dernière théorie ne manque pas de grandeur. A chaque existence humaine, un but suprême est assigné ; qu’importent les tempêtes et les orages ! qu’importent les revers, les chutes, les désastres ! Fata viam inventent. L’étoile de César ne pâlira qu’au moment fixé par la fortune, et si l’heure n’est pas venue où Napoléon doit mourir, les boulets se détourneront devant lui.

En face de cette opinion philosophique qui assigne aux choses un ordre immuable et nécessaire, il faut placer la théorie de la liberté humaine. Que cette liberté soit restreinte par la faiblesse de nos forces morales et physiques, cela ne peut être mis en doute ; mais, quoi qu’il en soit, elle existe et suffit aux besoins de notre conscience. L’idée de notre responsabilité est là tout entière. Quand on se trouve au détour d’une route, n’est-on pas libre de prendre à droite ou à gauche ? Nous tournons à droite ; mais si nous avions été à gauche, qui sait si notre sort n’eût pas été modifié ? Chaque pas qu’on fait dans l’existence peut être décisif et entraîner, pour le reste de notre vie, une suite infinie de conséquences. La part de responsabilité qui nous incombe ainsi est immense ; mais il serait puéril de vouloir s’y soustraire. Qu’importe d’ailleurs ? le voulût-on, on ne le pourrait pas, et il n’est pas un seul de nos actes qui n’ait son influence sur notre destinée ultérieure.

Le livre de M. Foisaac est consacré à l’exposition de ces deux théories, non qu’elles y soient formulées en toutes lettres, mais elles s’imposent à l’esprit de celui qui a lu son livre sur la Chance ou la Destinée, livre plein de faits curieux et d’anecdotes intéressantes. Il nous a semblé que l’auteur penchait du côté de la théorie qui fait à la Providence et à l’ordre des choses une si large place ; mais pour discuter plus profondément de semblables questions, il faudrait faire une métaphysique inopportune. Il vaut mieux sans doute examiner la valeur des pressentimens et des songes, auxquels, avec plus d’imagination que de critique, M. Foissac attribue une certaine autorité.

Existe-t-il une prophétie bien authentique ? Le goût du merveilleux est tel que là où rien n’était prophétisé, les peuples ont vu une prédiction. Une fantaisie de l’imagination, une apostrophe poétique, une hardiesse de langage ont été prises pour des prophéties. La prophétie de Cazotte est une amusante histoire que Laharpe a spirituellement inventée en un jour de verve. Les boutades de Swedenborg étaient fort curieuses, mais nul esprit sérieux n’y ajoutera foi. Quand Virgile faisait à Auguste une flatterie plus ou moins délicate, annonçant un enfant nouveau, fils des dieux, qui devait régénérer le monde, il ne se doutait guère qu’il annonçait la religion chrétienne. Les prophéties contenues dans les livres saints sont ou apocryphes ou tellement vagues qu’elles pouvaient également bien s’appliquer à tous les hasards de l’avenir.