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résultat de délivrer la ligne de l’Èbre, l’Aragon, la Catalogne, en rejetant l’armée carliste dans les massifs montagneux de la Navarre, de la Biscaye, du Guipuzcoa. Aujourd’hui l’armée libérale, complètement refaite, comptant plus de 100,000 hommes avec les troupes de Martinez Campos, qui n’ont plus à garder la Catalogne, désormais libre, cette armée se dispose à attaquer l’insurrection dans ses derniers retranchemens. Les neiges de l’hiver ont pu être un obstacle depuis un mois ; maintenant le signal de l’action est donné. Les forces libérales sont divisées en trois groupes principaux. Tandis que Martinez Campos va diriger ses opérations sur la Navarre, le général Quesada aborde l’Alava par la ligne de Vittoria, et Moriones, qui a débarqué avec une partie de ses troupes à Saint-Sébastien, est déjà en plein mouvement sur le Guipuzcoa. De toutes parts semble s’engager l’opération si longtemps préparée, si souvent discutée dans les conseils de Madrid.

Le prétendant a bien pu sans doute, lui aussi, profiter du répit qu’on lui a laissé dans ces derniers mois pour grossir et réconforter ses bataillons. Il peut bien encore redoubler de jactance et parler de marcher sur Madrid, de promener son drapeau dans toute l’Espagne. Au fond, il se sent menacé dans ses ressources, qui diminuent chaque jour, dans ses communications par la frontière, dans l’intégrité même de son armée, affaiblie par les désertions des chefs et des soldats. Son dernier espoir est dans la force de ses positions et dans un noyau de bataillons navarrais. La meilleure preuve qu’il sent l’extrémité où il est réduit, c’est la gravité assez émue de deux lettres qu’il vient d’écrire, l’une au grand-aumônier de son armée, l’autre au général Elio, qui a été son conseiller militaire le plus autorisé, qui est mort ces jours derniers aux environs de Pau. Au grand-aumônier, il demande des prières ; au vieux Elio, il faisait part du danger qui s’approche. Et c’est pour une cause perdue que ce triste prétendant se donne le plaisir sauvage d’entretenir un bombardement aussi impitoyable qu’inutile contre de malheureuses villes comme Saint-Sébastien, Guetaria, qui ont reçu quelques dix mille obus carlistes. C’est aux chefs de l’armée libérale de mettre un terme à ces barbaries et de précipiter le dénoûment. Ils le peuvent évidemment aujourd’hui, ils ont toutes les forces nécessaires, leur plan a été suffisamment mûri depuis trois mois. L’exécution énergique et prudente des mouvemens stratégiques qui commencent peut arriver à faire tomber toutes les positions carlistes. Une action un peu sérieuse peut achever le succès, en désorganisant, en décourageant la résistance qu’il faut s’attendre à rencontrer ; ce serait certes la meilleure nouvelle que le gouvernement pût porter aux chambres qui viennent d’être élues, qui doivent se réunir prochainement à Madrid.

Le rétablissement complet du régime constitutionnel par la convocation des cortès a été, avec la fin de la guerre civile, la pensée invariable du gouvernement depuis un an, et M. Canovas del Castillo a mis