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ne toucherai-je que pour mémoire à la partie historique du sujet, afin d’arriver plus vite à ce qui m’importe.

La Hollande n’avait jamais possédé beaucoup de peintres nationaux, et c’est peut-être à ce dénûment qu’elle dut plus tard d’en compter un si grand nombre si parfaitement à elle. Tant qu’elle fut confondue avec les Flandres, ce fut la Flandre qui se chargea de penser, d’inventer et de peindre pour elle. Elle n’eut ni son Van-Eyck ni son Memling, ni même son Roger van der Weiden, Un reflet lui vint un moment de l’école de Bruges ; elle peut s’honorer d’avoir vu naître dès le début du XVIe siècle un génie indigène dans le peintre-graveur Lucas de Leyde ; mais Lucas de Leyde ne fit point école : cet éclair de vie hollandaise s’éteignit avec lui. De même que Stuerbout (Bouts de Harlem) disparaît à peu près dans le style et la manière de la primitive école flamande, de même Mostaert, Schorcel, Heemskerk, malgré toute leur valeur, ne sont pas des talens individuels qui distinguent et caractérisent un pays. D’ailleurs l’influence italienne venait également d’atteindre tous ceux qui tenaient un pinceau, depuis Anvers jusqu’à Harlem, et cette raison s’ajoutait aux autres pour effacer les frontières, mêler les écoles, dénationaliser les peintres. Jean Schorel n’avait plus même d’élèves vivans. Le dernier et le plus illustre, le plus grand peintre de portraits dont la Hollande puisse se faire un titre avec Rembrandt, à côté de Rembrandt, ce cosmopolite de nature si souple, d’organisation si mâle, de si belle éducation, de style si changeant, mais de talent si fort, qui d’ailleurs n’avait rien conservé de ses origines, pas même son nom, — Antoine More, ou plutôt Antonio Moro, Hispaniarum régis pictor, comme il s’intitulait, — était mort depuis 1588. Ceux qui vivaient n’étaient guère plus hollandais, ni mieux groupés, ni plus capables de renouveler l’école : c’étaient le graveur Goltzius, Cornélis de Harlem le michel-angesque, le corrégien Bloomaert, Mierevelt, un bon peintre physionomique, savant, correct, concis, un peu froid, bien de son temps, peu de son pays, le seul pourtant qui ne fût pas italien ; et, remarquez-le, un portraitiste : il était dans la destinée de la Hollande d’aimer ce qui ressemble, d’y revenir un jour ou l’autre, de se survivre et de se sauver par le portrait.

Cependant, la fin du XVIe siècle approchant, et les portraitistes faisant souche, d’autres peintres naissaient ou se formaient. De 1560 à 1597, on remarque un assez grand nombre de ces nouveau-nés ; c’est déjà comme un demi-réveil. Grâce à beaucoup de disparates et par conséquent à beaucoup d’aptitudes en des sens divers, les tentatives se dessinent d’après les tendances, et les chemins suivis se multiplient. On s’efforce, on essaie de tous les genres, de toutes les gammes ; on se partage entre la manière